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La hantise du monde moderne

Toussaint : et si nous rendions hommage aux morts anonymes ?

Une fois de plus, c’est en-dehors de nos embryons avortés de communautés qu’il faut chercher des réflexions intéressantes en ces temps où le calendrier grégorien a fixé Samain. La blogosphère « païenne » francophone est morte, vive la blogosphère « païenne » francophone, etc

Pas d’humeur à ajouter grand-chose à l’article, si ce n’est que dans une civilisation normale (au sens guénonien du terme) on aurait des prêtres publics pour accomplir les rites adaptés afin que les fantômes des morts anonymes ne viennent pas hanter la Cité. De là à y voir, au moins mythiquement, la cause de certains de nos dysfonctionnements actuels, eh.

You may live to see man-made horrors beyond your comprehension.

Petit selfie pour la route :

Transi de René de Chalon par Ligier Richier, église Saint-Etienne de Bar-le-Duc, photo de MOSSOT — CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15584796

Et puisque vous êtes là, prenez donc un morceau de Leconte de Lisle pour la route, puisque ce bogoss est maintenant officiellement mon poète francophone préféré.

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Le secret de la vie


Le secret de la vie est dans les tombes closes :
Ce qui n’est plus n’est tel que pour avoir été ;
Et le néant final des êtres et des choses
Est l’unique raison de leur réalité.

Ô vieille illusion, la première des causes !
Pourquoi nous éveiller de notre éternité,
Si, toi-même n’étant que leurre et vanité,
Le secret de la vie est dans les tombes closes ?

Hommes, bêtes et Dieux et monde illimité,
Tout cela jaillit, meurt de tes métamorphoses.
Dans les siècles, que tu fais naître et décomposes,
Ce qui n’est plus n’est tel que pour avoir été.

A travers tous les temps, splendides ou moroses,
L’esprit, rapide éclair, en leur vol emporté,
Conçoit fatalement sa propre inanité
Et le néant final des êtres et des choses.

Oui ! sans toi, qui n’es rien, rien n’aurait existé :
Amour, crimes, vertus, les poisons ni les roses.
Le rêve évanoui de tes oeuvres écloses
Est l’unique raison de leur réalité.

Ne reste pas inerte au seuil des portes closes,
Homme ! Sache mourir afin d’avoir été ;
Et, hors du tourbillon mystérieux des choses,
Cherche au fond de la tombe, en sa réalité,
Le secret de la vie.

Poèmes tragiques, 1884

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Deux hymnes à Nemesis

(illustration : Nemesis, par Yliade : https://www.deviantart.com/yliade ; analyse mythologique de l’oeuvre par le Arya Akasha Institute ici : A Friday for Nemesis)

Hymne à Nemesis de Mésomède de Crète

(trad. Marie-Hélène Delavaud-Roux)

Némésis ailée, équilibre de la vie
Sombre déesse, fille de la Justice
toi qui domines l’arrogance vaine des mortels
avec ton frein indomptable  
et, toi qui hais la démesure funeste des hommes,
tu repousses la noire jalousie
Sous ta roue instable, sans empreinte
tourne la fortune heureuse des mortels,
Tu marches sans laisser de traces  
Tu fais ployer le cou du fier
Avec ton coude, tu mesures toujours la vie  
Tu fronces toujours les sourcils
Tenant fermement le joug dans ta main
sois favorable, bienheureuse, juste, prépare-toi  
Némésis ailée, équilibre de la vie
Nous te chantons, Némésis, déesse immortelle
Victoire, tension, à l’aile vigoureuse
Infaillible et compagne de la Justice
toi qui, irritée par l’orgueil des mortels
les précipites dans le Tartare ! 

Hymne orphique à Nemêsis

(trad. Leconte de Lisle)

Ô Némésis, je t’invoque, Déesse, très-grande Reine,

Qui vois tout, qui regardes la vie

des mortels aux diverses pensées.

Éternelle et vénérable, te réjouissant des Justes,

tu changes selon ta volonté les résolutions des hommes,

qui redoutent tous le joug que tu fais peser sur leur cou ;

car tu connais la pensée de tous, et rien ne t’est caché

de l’âme qui méprise audacieusement tes paroles.

Tu vois tout, tu entends tout et tu disposes de tout.

Les droits des hommes sont en toi, ô très-puissant Daimôn !

Viens, ô Bienheureuse, chaste, et sois toujours favorable

à ceux qui célèbrent tes mystères,

donne-nous de bonnes inspirations

et chasse loin de nous les pensées mauvaises, injustes et orgueilleuses !

Le culte de Nemesis fait partie de la religion grecque. Elle était principalement vénérée en tant que déesse de la vengeance et de la justice distributive. Elle était considérée comme une divinité chargée de punir l’hybris, c’est-à-dire l’orgueil démesuré ou la démesure, en ramenant l’équilibre et la justice dans la vie des mortels. Elle était souvent représentée avec des attributs tels qu’une balance, une roue de la fortune ou une couronne, qui symbolisaient son rôle dans le rétablissement de l’équilibre. Des sanctuaires dédiés à Nemesis existaient dans différentes parties de la Grèce antique, notamment à Rhamnonte (un site près d’Athènes) et à Épidaure. Ces sanctuaires servaient de lieux de culte et de pèlerinage pour les personnes cherchant justice ou réparation pour des actes d’hybris.

Nemesis était parfois considérée comme la fille de Nyx (la nuit) et elle était souvent associée à la déesse de la Fortune, Tykhe (ou Tyche), en raison de son rôle dans le destin des individus.
Le culte de Nemesis était relativement populaire dans la Grèce antique, en particulier à partir du Ve siècle av. J.-C. Il était souvent invoqué dans des situations où l’on cherchait à obtenir justice ou à se venger d’une offense. Avec la propagation de la culture grecque à travers l’Empire romain, le culte de Nemesis a également été adopté par les Romains. Elle était vénérée pour sa capacité à rétablir l’équilibre moral et cosmique.

Quelle actualisation contemporaine peut-on faire de son culte ?

L’hybris pourrait être interprété comme l’excès, l’abus ou le déséquilibre dans notre relation avec la nature, l’environnement et les ressources naturelles. Les actions de l’humanité qui perturbent l’équilibre écologique et qui ont des conséquences négatives sur notre planète pourraient être perçues comme une forme d’hybris collective.

Dans cette interprétation, la nature pourrait être vue comme la « Nemesis » moderne, cherchant à restaurer l’équilibre en réagissant aux abus perpétrés par la société industrielle. Les catastrophes naturelles, le changement climatique et d’autres phénomènes pourraient être perçus comme des manifestations de cette « vengeance » de la nature.

Un culte contemporain de Nemesis pourrait être associé à la quête de justice environnementale. Les mouvements et les actions visant à remédier aux dégâts causés par l’industrialisation excessive, à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à protéger la biodiversité, à promouvoir la durabilité et à restaurer les écosystèmes pourraient être considérés comme des tentatives de rétablir l’équilibre et de répondre à la « vengeance » de la nature.

Cette interprétation contemporaine pourrait encourager la prise de conscience individuelle et la responsabilité quant à notre impact sur la planète. Les gens pourraient être incités à réfléchir à leurs choix de vie, de consommation et à leur impact sur l’environnement. Cependant, cela devrait également les inciter à mettre les autres en face de leurs responsabilités, en particulier les plus riches et les plus influents.

Tout comme les Grecs anciens cherchaient la réconciliation avec Nemesis pour éviter sa colère, une interprétation contemporaine pourrait promouvoir la réconciliation avec la nature et la recherche de solutions pour réparer les dégâts causés. Cela pourrait inclure des efforts pour restaurer les écosystèmes endommagés, réduire les émissions de carbone, adopter des pratiques agricoles durables, etc.

En résumé, le culte de Nemesis pourrait être utilisé comme une métaphore pour réfléchir aux défis environnementaux contemporains et encourager des actions responsables et équilibrées face aux problèmes causés par la société industrielle. Il s’agit d’une manière créative d’aborder les questions environnementales et d’inspirer des changements positifs dans notre relation avec la planète.
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Le passé et l’imaginaire (entretien de Michel Pastoureau)

Entretien intégral de Connaissance des Arts avec Michel Pastoureau, morceaux choisis ci-dessous :

Q : À force d’étudier la sensibilité et les pratiques du Moyen Âge, le bestiaire, les couleurs et l’héraldique, qu’apprend-on sur l’Homme, sa sensibilité, ses pratiques ?

M. Pastoureau : D’une manière générale, quand on se penche sur des sociétés anciennes, on en apprend plus sur la société que sur l’individu, on a peu de prise sur les individus eux-mêmes puisque ce sont toujours d’autres qui parlent d’eux. On apprend que tout est culturel et que le plus grand danger pour l’historien c’est de juger le passé à l’aune du présent en matière de sensibilité, de savoir, de morale… C’est quelque chose que je n’oublie pas et je le tire de mes enquêtes dans le passé, de l’Antiquité au Moyen Âge. Leur savoir n’est pas le nôtre, leurs sensibilités et leurs morales non plus. Mais ça ne veut pas dire qu’ils se trompent ! Nous ferons nous-mêmes ricaner nos successeurs dans deux ou trois siècles, il ne peut pas en être autrement. […] Il faut garder constamment à l’esprit ce relativisme culturel dans le temps et dans l’espace… Et même en 2017 : accepter l’idée qu’il y a des sociétés, par exemple, qui ne sont pas occidentales, qui pensent et qui sentent autrement.

Q : On a beaucoup de difficultés avec cette idée.


M. Pastoureau : En ce moment oui, c’est pour ça que j’en parle : ça m’inquiète. Il y a des universités américaines où on n’étudie plus Platon parce qu’il parle des esclaves sans dénoncer l’esclavage. On voudrait qu’il soit de notre temps et pas du sien ! C’est montrer qu’on n’a rien compris à ce qu’était l’Histoire… Malheureusement, cette idée gagne du terrain, surtout sur le plan de la morale. Comme si celle d’aujourd’hui était de l’ordre de la vérité. Pour moi historien, ça me choque et m’inquiète énormément. […] On se concentre toujours, quand on étudie l’histoire des sociétés, sur ce
qui change, et pour les époques récentes c’est devenu obsessionnel : la presse ne fait que parler du changement. Or, il y a mille choses qui ne varient pas et dont on ne parle absolument jamais !

Q : La naissance de la notion d’individu au Moyen Âge a dû être passionnante à étudier. Pouvez-vous nous en dire quelques mots (même si ce doit être difficile à synthétiser…) ?
M. Pastoureau : L’évolution sociale se fait en plusieurs étapes : on passe d’abord de la famille très large, le clan disons, à une famille plus étroite, le couple, les parents, les enfants, un modèle plus vertical que nous connaissons toujours. Les arrière-cousins comptent moins qu’autrefois. Au sein de cette famille étroite, l’identité commence à jouer un rôle, et on voit naître en effet l’individu, et c’est par les signes d’identité qu’on le sent le mieux : les gens à partir des XII-XIIIe siècles ont un nom de
famille et un nom de baptême, parfois deux. Ça se précise donc, ça démontre un souci pour cerner l’individu. En matière artistique, il faut attendre encore un peu, parce que contrairement à l’idée romantique qu’on a parfois, la plupart des œuvres, y compris les plus spectaculaires, sont collectives.

Q : Encore une notion qu’on a du mal à accepter de nos jours !

M. Pastoureau : Oui. On a du mal à imaginer que dans l’atelier de Rubens, au début du XVIIe siècle, il y a trois cents personnes qui travaillent ! Le génie de Rubens, il est partagé… C’est déjà le cas avec Raphaël, au début du XVIe siècle. Aujourd’hui, on a des querelles d’érudits sur ce qui est vraiment de la main de tel ou tel. C’est très lentement, entre la fin du XIIIe et le XVIIe siècle, que dans le domaine artistique la notion d’artiste individuel, inventeur, se dégage. Pour ça, il faut que la notion de nouveauté fasse du chemin, devienne une valeur et non pas quelque chose de ridicule. Pendant des siècles, ce qui était nouveau était toujours plus laid, plus inquiétant, plus immoral, que ce qui était « comme d’habitude ». Aujourd’hui, c’est tout l’inverse : combien de fois ai-je entendu dans des jurys d’arts plastiques : « oh mais ça, on l’a déjà vu mille fois », alors qu’au XIe siècle par exemple, cela aurait été un compliment : « on l’a vu mille fois, c’est magnifique ! » Enormis Novitas, comme disent les textes, « c’est diabolique », c’est laid, c’est vulgaire en termes esthétiques. Cette idée est déjà présente chez Pline l’Ancien. On dirait de nos jours que c’est un réactionnaire : il a horreur des nouveautés, mais ce faisant, il est de son temps.

Q: Vous avez dit « l’imaginaire existe, ce n’est pas le contraire de la réalité, c’est une autre réalité ». Pouvez-vous expliquer cette notion ?
M. Pastoureau : C’est une idée à laquelle je tiens. La plupart de nos contemporains et de mes collègues ont l’idée que le réel est d’un côté et l’imaginaire de l’autre, que c’est un couple de contraires, alors que pour l’historien, et c’est la même chose pour l’ethnologue ou le sociologue, l’imaginaire existe, il n’est pas fictionnel. Nous rêvons, nous avons des superstitions, des croyances, des aspirations… Ça existe, ça fait partie de notre vie. Cette réalité est une autre réalité, d’un type particulier. Un ethnologue qui étudierait une société non-occidentale un peu lointaine commencerait sans doute par étudier le vocabulaire, les structures de parenté, la vie matérielle… Mais il n’oublierait certainement pas de se pencher sur les croyances, les peurs, les représentations… Sinon, il mutile complètement ses enquêtes. L’historien, c’est la même chose. C’est frappant de regarder de nos jours des manuels, destinés aux écoliers, aux collégiens ou aux lycéens et étudiants. Encore aujourd’hui, ce qui concerne le réel, la réalité qui a existé, c’est 95% des pages du manuel. L’imaginaire, pourtant essentiel, c’est les 5% restants, et encore… Pas absent, mais presque. Comme si c’était anecdotique, un peu fumeux… Non !

Q : On a parfois l’impression que les codes sont mélangés, voire ont parfois perdu toute leur symbolique, justement…
M. Pastoureau : C’est ce qui me frappe quand je bavarde avec de jeunes plasticiens par exemple : c’est le mélange – comment employer un terme qui ne soit pas péjoratif – entre les époques, les cultures… « Là, j’ai mis du jaune, parce que dans la Chine impériale deux mille ans avant notre ère, le jaune, c’est ceci-celà, là j’ai mis du bleu parce qu’au XVIIIe siècle en Europe, etc. Là, j’ai mis du vert, parce que dans l’Égypte pharaonique etc. » Pour un historien, évidemment, c’est affligeant ! Mais ça fait partie de notre temps… […] Sans compter un savoir qui tend à disparaître, ce qui est complexe par exemple pour enseigner l’histoire de l’art : chez les étudiants, plus personne ne connaît la mythologie gréco-romaine ou la Bible et l’histoire sainte… Comment étudier la peinture et la sculpture anciennes jusqu’au XIXe siècle sans ce bagage ?

Q : Que penser des nuanciers actuels comme Pantone, la référence de nos jours ? Ne paraît-il pas un peu absurde de vouloir créer un nuancier universel, « neutre » ?
M. Pastoureau : C’est absurde ! […] Une nuance de couleur ne sera pas perçue de la même façon selon l’éclairage, le moment de la journée, le support et, bien sûr, selon la personne qui regarde. Vouloir créer des couleurs neutres, universelles, d’abord ne peut pas fonctionner, et en plus dévalue la couleur qui doit garder une partie de son mystère… C’est consternant, de vouloir que le monde entier voie et nomme les mêmes couleurs. C’est presque confisquer la couleur, qui est bien commun, pour se l’approprier, en plus à des fins commerciales

Q : Vous avez déjà dit vous intéresser au corbeau. Est-ce le sujet d’un prochain livre ?
M. Pastoureau : Oui, le livre est en chantier ! Généralement, les documents sont plus bavards sur les animaux inquiétants et dévalorisés, sur ce qui péjoratif plutôt que sur le laudatif… Sur le corbeau, depuis l’Antiquité grecque les textes sont très bavards et les images nombreuses. C’est un animal qui m’attire. Il était honni par le christianisme mais prend sa revanche aujourd’hui : les enquêtes sur l’intelligence animale, par exemple, le placent en premier !


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Les différences entre la « magie » païenne et celle de la fantasy moderne

La fantasy moderne est un genre littéraire assez en vogue dernièrement, particulièrement chez les personnes attirées par le (néo)paganisme. Pour être honnête, il est probable que la lecture du Seigneur des Anneaux à huit ans ait joué un rôle dans ma décision d’en apprendre plus sur les religions européennes pré-chrétiennes, puis d’essayer de les pratiquer de manière contemporaine. Mais, sur de nombreux points, la fantasy moderne a très peu à voir avec sa principale source d’inspiration, l’oeuvre de Tolkien… et donc sur la principale source d’inspiration de celui-ci, à savoir les mythes et épopées de l’Europe pré-chrétienne et/ou partiellement christianisée.

Les ressemblances superficielles entre la fantasy moderne et les religions européennes païennes, et le fait que la fantasy soit bien plus accessible et plus connue aujourd’hui, fait qu’une sorte de confusion a tendance à s’installer entre les deux. Les exemples les plus évidents concernent les Dieux, les Elfes, les Nains, etc, qui sont bien différentes dans les mythes et dans les oeuvres de fantasy (ces oeuvres elles-mêmes dérivent essentiellement de la manière dont les créateurs du jeu de rôle Donjons & Dragons se sont inspirés de l’oeuvre de Tolkien, pour créer un cadre de jeu où des aventuriers tuent des monstres pour trouver des trésors).

Mais l’exemple des Nains et des Elfes, parce qu’il est le plus évident, est aussi celui qui se corrige le plus facilement. Un exemple plus difficile est probablement celui de la « magie ». Il est difficile de trouver dans les langues européennes anciennes un mot qui signifie complètement et uniquement tout ce qu’on appelle aujourd’hui « magie » et seulement ce qu’on appelle « magie »… c’est-à-dire ce qui a d’abord été interdit par l’Eglise catholique, puis considéré par les milieux scientifiques comme inexistant. Ce qui est « scientifiquement inexistant » mais n’avait pas été interdit par l’Eglise, c’est de la « religion » ; ce qui a été interdit par l’Eglise mais n’est pas « scientifiquement inexistant » c’est du « simple péché », qui a été soit légalisé et socialement valorisé par antichristianisme, soit conservé dans la liste des interdits moraux présentés comme « laïcs ».

Il suffit de réfléchir quelques secondes pour se rendre compte que ces deux critères (interdit par l’Eglise puis considéré comme scientifiquement inexistant) sont totalement extérieurs à la manière européenne païenne de voir le monde. D’ailleurs le mot français « magie » vient du latin « magia » qui signifie simplement « les trucs bizarres qui viennent (ou qui sont censés venir) des pratiques des prêtres iraniens » (un « magush », en vieux persan, est un type de prêtre). Les pratiques magiques européennes n’étaient pas considérées comme étant de la « magia », même si pour être à la mode il arrivait de prétendre que telle ou telle pratique locale venait de Perse (un peu l’équivalent des faux initiés au bouddhisme ou au chamanisme qu’on trouve de nos jours).

Pareillement, en vieux norrois il est difficile de trouver un terme complètement équivalent au sens moderne du mot « magie ». Il y en a qui désignent telle ou telle pratique qu’on considère aujourd’hui comme « magique », le plus connu étant le seiðr, mais en réalité le seiðr est un ensemble de pratiques bien spécifique, et utiliser ce mot pour désigner tout ce qui est « magique » pose problème. Entres autres parce que le seiðr est considéré comme une source de dévirilisation (ergi), alors que d’autres pratiques magiques ne le sont pas. On trouve parfois le terme générique de fjölkynngi, qui signifie « beaucoup de connaissances » : c’est le meilleur équivalent qu’on ait pour « magie », mais il concerne TOUTES les connaissances, y compris celles qu’on considère comme « scientifiques » ou « techniques », par exemple l’Histoire, la géographie, la poésie, la généalogie, la rhétorique, le droit, la botanique, la médecine, l’astronomie, etc.

Dans la fantasy moderne, il y a une distinction entre l’Homme et la Nature, mais surtout entre d’un côté l’Homme et la Nature, et de l’autre le « surnaturel » qui est ce qui est concerné par la magie. La magie est ce qui vient, parfois, « en plus » de l’Homme et de la Nature. La Nature a un fonctionnement « naturel », « normal », quand il n’est pas « modifié » par des forces ou des entités « magiques ». La météo, par exemple, obéit à des lois physiques « naturelles », sauf quand un magicien jette un sort ou un dieu répond à une prière, et brise ces lois physiques naturelles pour changer la météo.

Au contraire, pour les Européens païens, les génies locaux et les Dieux sont constamment impliqués dans la météo, à chaque instant : chaque averse ou absence d’averse est le résultat direct de l’existence et de l’activité des génies et des Dieux. La magie n’est pas un système optionnel, « en plus », dont l’existence ou la non-existence ne change rien tant qu’un humain ne l’utilise pas… pas plus que les réactions chimiques n’existent que quand un chimiste mélange des produits dans un laboratoire (de nombreuses réactions chimiques se produisent dans notre corps à chaque instant et c’est ce qui nous permet de rester en vie).

Le dragon et le loup n’appartiennent pas à deux catégories de créatures distinctes, les créatures « magiques, surnaturelles » et les créatures « normales, naturelles ». Les deux sont des animaux. Les dragons sont simplement des serpents très gros et très puissants qu’on a la chance de n’avoir jamais croisé, tout comme il y a des loups très grands et très puissants (comme Fenrir), qu’on a la chance de ne jamais avoir croisés. Et si on ne connaît personne qui en ait croisé en-dehors des mythes et des très anciennes sagas avec des héros très puissants, c’est parce qu’ils sont heureusement plus rares, mais aussi et surtout parce que ceux qui les ont croisés sans être des héros très puissants ne sont plus là pour en parler.

J’arrête ici pour le moment, et je laisse les liens de deux articles qui m’ont motivé à écrire celui-ci, puisqu’il me trottait en tête depuis longtemps. Ils sont en anglais et concernant respectivement les auteurs de fantasy et les concepteurs de jeux de rôle, mais les réflexions qu’ils font sont souvent pertinentes.

http://starsbeetlesandfools.blogspot.com/2013/07/on-writing-magic-well-part-ii-adding.html

https://www.darkshire.net/jhkim/rpg/magic/antiscience.html

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Le néodruidisme « n’a absolument rien à voir avec les pratiques antiques »

Grégory Moigne a soutenu, ce lundi 6 février 2023, à Brest, sa thèse pour l’obtention du titre de docteur en études celtiques de l’Université de Bretagne Occidentale, titrée : « Le druidisme en Bretagne : militantisme celtique, spiritualité païenne et naturalisme holistique ».

La conclusion des sept années de recherches de ce brittophone chevronné ? Le néodruidisme « est une invention moderne », qui « n’a absolument rien à voir avec les pratiques antiques, même dans ses cérémonies ». Il incorpore par contre toutes sortes de modes contemporaines, telles que « le new-age, le néochamanisme, le développement personnel et le bien-être » (source : interview Le Parisien du 06/02/2023).

Au cours de son enquête, il a pu rencontrer le groupe nommé « Gorsedd de Bretagne » (dont les membres sont régulièrement présentés comme des « druides » par la presse régionale et locale), ainsi que d’autres groupes néodruidiques bretons, y compris en participant à leurs cérémonies. Il a également rencontré les responsables des plus anciens groupes néodruidiques britanniques, ceux qui sont à l’origine du néodruidisme breton : le Gorsedd du Pays de Galles, ainsi que le « Druid Order ». Les données collectées, recoupées avec les archives de l’Université de Dublin, du Pays de Galles, et du Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), lui ont clairement permis non seulement d’établir l’absence de filiation entre les druides antiques et les différents groupes néodruidiques modernes (nés au 18e siècle en Grande-Bretagne), mais aussi de démontrer que les idées et pratiques de ces groupes ne se basent pas sur une étude approfondie de ce qui est connu des religions celtiques pré-chrétiennes.

Il existe cependant aujourd’hui, bien qu’il s’agisse d’un phénomène nettement plus minoritaire que le néodruidisme, des tentatives de résurgence de la religion celtique, sous une forme clanique traditionnelle, en puisant aux vraies sources de la tradition celtique.

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Succès de la résurgence de la religion zoroastrienne pré-islamique en Iran

Le Group for Analyzing and Measuring Attitudes in irAN (GAMAAN) a conduit en 2020 une étude en ligne concernant l’attitude des Iraniens vis-à-vis des croyances et pratiques religieuses. Le gouvernement de la République Islamique d’Iran affirme que 99,5% des Iraniens sont musulmans, et que seuls environ 25 000 Iraniens pratiquent la religion zoroastrienne, c’est-à-dire la religion ethnique iranienne pré-islamique, issue des anciennes traditions sacrées indo-européennes (qui sont aussi à l’origine des religions ethniques européennes). Ces « Zoroastriens autorisés » sont les descendants directs des familles qui ont accepté le statut social inférieur des non-musulmans (impôts supplémentaires, interdiction de porter des armes, interdictions pour les hommes d’épouser des musulmanes, peine de mort en cas de tentative de convertir un musulman, etc), suite à la conquête arabo-musulmane de la Perse au VIIe siècle de l’ère chrétienne.

Cependant, l’étude conduite en 2020, et dont la méthodologie a été soigneusement calibrée pour essayer d’éviter les différents biais possibles, estime que 7,7% des Iraniens se considèrent comme étant zoroastriens, ce qui ferait plus de 6 millions de Zoroastriens, soit 270 fois plus que le nombre de Zoroastriens reconnus par la République Islamique d’Iran. Ces « Zoroastriens illégaux » sont des descendants d’Iraniens ayant accepté d’abandonner le zoroastrisme : l’Islam considérant l’apostasie comme un péché mortel, aucun « retour en arrière » n’est autorisé par le gouvernement de la République islamique, et les personnes abandonnant l’Islam sont régulièrement condamnés à des amendes importantes et à des peines de prison. Malgré cela, depuis quelques générations de plus en plus d’Iraniens se tournent vers la religion de leurs lointains ancêtres, aux époques où l’Empire Perse était une des plus grandes puissances mondiales (Empire Achéménide de -550 à -330 de l’ère chrétienne, puis Empire Sassanide de 224 à 651 de l’ère chrétienne).

Zoroastriens priant au sanctuaire de Chak Chak en Iran (Ebrahim Noroozi pour Associated Press)

Cependant, il reste difficile d’accéder à un apprentissage de qualité, car les prêtres zoroastriens iraniens ont interdiction, sous peine de poursuites judiciaires, d’enseigner leur religion aux personnes « légalement musulmanes », soit 99,5% de la population. De plus, les Zoroastriens traditionnels risquent d’avoir du mal à ne pas diluer leurs traditions face au grand nombre de « reconvertis », autoformés avec du contenu disponible sur internet (souvent rédigé par des membres de la diaspora iranienne en Europe et en Amérique du Nord, eux-mêmes en grande partie des « reconvertis »), et parfois incités à se revendiquer comme Zoroastriens uniquement par rejet de l’Islam. Il est donc difficile d’estimer dans quelle mesure il s’agit d’une volonté de redécouvrir les traditions sacrées ancestrales des Iraniens, et dans quelle mesure il s’agit simplement d’une volonté de garder une forme de spiritualité et/ou d’identité, tout en laissant de côté les aspects jugés « contraignants » de l’Islam tel qu’il est imposé actuellement par le gouvernement iranien.

On peut constater que ces problématiques de chiffrage du nombre d’adhérents, de la difficulté à évaluer leurs motivations, et de leur éventuel manque de capacité ou de volonté à intégrer pleinement les traditions religieuses ancestrales, concernent aussi la résurgence des religions ethniques européennes, bien que la situation soit différente à plusieurs niveaux. Par exemple, le projet de recensement païen germano-scandinave de 2013 (Worldwide Heathen Census 2013) avait estimé que, dans le monde, le nombre de personnes se revendiquant comme des païens germano-scandinaves était d’au moins 36 000, dont au moins 200 en France. Il est très probable que le nombre réel ait été plus important, et surtout qu’il ait nettement augmenté en 10 ans. Cependant, le nombre de personnes en France adhérant actuellement à une association païenne germano-scandinave reste inférieur à celui des 96 personnes ayant déclaré en 2013 qu’elles se considéraient comme des païens germano-scandinaves…

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« Le Secret des Secrets » (Livre IX, chap. 1)

« Ce que je vous donne est meilleur qu’une montagne d’or. Je vous donne cette source pour sauver l’humanité entière. Je vous donne le secret de la vie, puis le secret de la mort, car la mort n’est que la résolution de son secret. Ce que vous cherchiez, ce que vous cherchez, vous le possédez déjà. C’est vous-même. Le secret de la mort est le secret de la vie, car la vie est la mort de ce que vous croyez sur la mort, et la mort est la vie mortelle que vous croyez vivante. Le secret du secret, c’est la silencieuse conviction qu’il existe un secret qui n’est ni la vie ni la mort, ni la mort de la vie, ni la vie de la mort. Le secret du secret, c’est de trouver un secret qui n’existe pas. Dans le Jardin du Silence, du Secret et de la Mémoire, les quêteurs sont comme des morts-vivants dans un cimetière. Je voudrais les ramener avec moi dans un lieu que je connais, mais ils resteraient comme ils sont et le lieu varierait. Je voudrais les ramener dans un lieu dont ils ne connaissent rien, mais ils en connaîtraient déjà tout. Je voudrais tant leur faire comprendre ce Jardin de la Mémoire ! Mais, avant le jardin, il y a la Mémoire, la mémoire dans laquelle repose la semence de l’immortalité !

Comprend qu’il faut répondre correctement aux sept questions qui sont :
– Qui suis-je ?

– Qu’est-ce que je fais ici ?

– Où suis-je ?

– D’où viens-je ?

– Où vais-je ?

– Qu’est-ce que je veux faire ?

– Que dois-je faire ?

Frappe la terre, les étangs t’offriront leur réponse. Tu verras ce que tu n’as pas vu, tu seras là où tu n’as jamais été. Qu’attends-tu, quand ne rien attendre est déjà là ? Que cherches-tu, quand tu es la source même de ta quête ? Qui cherche un chemin pour fuir la mort, n’a pas entendu les leçons de la chouette. Tu dois partir de toi. Que respectes-tu, à quoi donnes-tu ta valeur ? Ce que tu respectes joue son rôle dans ta vie, ce à quoi tu donnes ta valeur ne peut que te tuer. Tu te tues, tu meurs, tu es mort, tu reviens à la vie, tu reviens à moi – mourir, c’est se rappeler que la mort est la vie. En te rappelant que la mort est la vie, tu apprends à aimer, car le désir de connaître au plus haut point ce que tu ne vois pas ou ne vois plus fait lever tout entier ce que tu es. L’image que tu as de toi-même est ainsi gravée que vivre est mourir et mourir est vivre.

Je n’ai rien raconté, parce que la réponse serait entendue par ceux qui n’écoutent pas. L’enseignement du chemin commence ici, et tout le long de la randonnée, jusqu’au sommet. Tout est à mi-chemin, tout est dans la traversée, en profondeur – sur le sentier qui est fait de ce qui n’est pas fait, qui est fait de ce qui n’a ni longueur, ni largeur, qui n’a besoin de rien, qui est son propre sommet, qui est le nœud engendré par lui-même.

Les mots d’aujourd’hui s’arrêtent ici, suivra le silence. Le silence seul est d’importance : le lieu-même de toutes les initiations. Les nourritures terrestres sont au-dessous de Celui qui est, et celui qui Est se tient au-dessous du Silence. Sur lui, les mots grésillent, les phrases se consument et s’arrêtent avant d’avoir… [le feuillet suivant est entièrement brûlé] »

– Le Secret des Secrets (Livre IX, chap. 1)

Note : cet article a été entièrement généré par une intelligence artificielle à partir d’une entrée de ce blog intitulée « L’ornithologie comme voie spirituelle ». Il ne provient pas du manuscrit ésotérique médiéval dont les diverses versions portent le titre « Le Secret des Secrets ».

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Relocaliser la vertu : pour un Grand Recentrement païen

La vertu, pour un païen européen, c’est le fait de tendre en permanence vers l’excellence dans l’accomplissement de ses devoirs moraux. Le but de cet article n’est pas de discuter de la vertu en tant que telle, c’est-à-dire des différents devoirs moraux qui s’appliquent à chacun : d’une part ils varient selon les personnes, d’autre part les avis à ce sujet sont parfois variés. L’idée ici est plutôt d’observer une dérive de l’idée de vertu et de son application, dans un contexte de mondialisation marchande qui s’accompagne d’une monétisation effrénée de l’image des personnes et des marques.

Les traditions païennes européennes insistent sur l’importance des valeurs de solidarité, de générosité, d’hospitalité, valeurs qui sont aujourd’hui particulièrement revendiquées par des groupements politiques dits « de gauche » ; mais nos traditions insistent également tout autant sur l’importance de l’indispensable réciprocité (rendre cadeau pour cadeau mais coup pour coup), de la parenté, de la territorialité, qui sont aujourd’hui essentiellement revendiquées par des groupements politiques dits « de droite ». L’adhésion à certaines idéologies modernes tend donc à occulter tout un pan de notre héritage éthique – l’un ou l’autre selon les cas.

Les textes légaux et éthiques que nous avons conservé sur les mondes celtiques et germano-scandinaves, en particulier le Hávamál (long poème qui contient les conseils de comportement donnés par le dieu Odin), rejoignent en grande partie le discours de nombreux philosophes gréco-romains, en particulier les Stoïciens. L’un d’entre eux, Hiéroclès, nous a laissé un fragment de papyrus qui contient ses Éléments d’éthique. Il y expose un concept désormais connu sous le nom de « cercles de Hiéroclès« , qui explique que notre place dans l’Univers est un point au centre de notre premier cercle, celui de notre foyer familial. Ce premier cercle est englobé par un autre cercle plus vaste, celui de notre famille élargie : grands-parents, oncles et tantes, frères et soeurs dont nous ne partageons pas le toit, cousins, neveux et nièces, etc. Ce cercle familial élargi est compris dans plusieurs autres cercles concentriques qui sont ceux des diverses communautés auxquelles nous appartenons, et dont nous sommes plus ou moins proches et solidaires : amis, voisins, collègues, membres de la même commune, région, nation, civilisation, etc. Les deux derniers cercles, les plus larges, sont ceux de l’humanité en général, puis celui des dieux et de la Nature.

Les cercles de Hiéroclès, réinterprétés par Kai Whiting dans Being Better, chapitre 6 et p. 119-120 (source : Stoa Gallica, association francophone pour un Stoïcisme contemporain)

Ces cercles de Hiéroclès présentent une vision similaire aux conceptions germano-scandinaves, qu’on résume souvent dans les milieux néopaïens par les termes de innangarð (« intérieur », tout ce qui est dans un cercle plus proche de nous) et utangarð (« extérieur », tout ce qui est dans un cercle plus lointain, par exemple un pays étranger par rapport au nôtre, un autre village par rapport au nôtre, la famille voisine par rapport à la nôtre, etc), bien qu’ils n’aient pas tout à fait cet usage historique.

Les néopaïens germano-scandinaves sont parfois plus orientés vers les cercles les plus proches et l’exclusion des cercles les plus lointains. A l’inverse, la doctrine de Hiérioclès, connue sous le nom de cosmopolitisme stoïcien (« kosmopolitês » signifie « citoyen du monde » en grec), est parfois interprétée dans le sens d’un soutien à une forme de gouvernement mondial et/ou d’une volonté de dissolution des communautés nationales. En réalité, les deux traditions se rejoignent lorsqu’elles sont bien comprises. Hiéroclès lui-même a écrit que ce serait « de la folie de vouloir nous lier à ceux qui ne portent aucune affection envers nous, tout en négligeant ceux qui nous sont proches et ceux dont la Nature nous a pourvus ».

Le « citoyen du monde » moderne est incité à déporter toute son attention sur les cercles le plus extérieurs (tout en retirant évidemment « les Dieux » du cercle « les Dieux et la Nature »), au nom de l’antispécisme (traiter les autres espèces animales comme s’il s’agissait d’êtres humains) et de l’antiracisme (traiter les membres d’autres ethnies comme si ils étaient des membres de notre ethnie). Parallèlement, il y a un désintérêt grandissant pour les premiers cercles intermédiaires, ceux qui relient justement le point du « moi » au grand cercle cosmique des Dieux et de la Nature : foyer, famille élargie, communautés, présentés comme des entraves à la liberté individuelle. Ce cosmopolitisme mal compris nourrit la plupart du temps un égocentrisme caché, celui de la valorisation personnelle, en affichant publiquement une vertu factice qui ne coûte rien, puisqu’elle s’accompagne rarement d’actes concrets en-dehors des réseaux (a)sociaux.

Nos traditions ancestrales visent à nous rapprocher du plus grand cercle, celui des Dieux et de la Nature. Elles nous définissent aussi comme des « compatriotes du cosmos » (autre traduction possible de kosmopolitês, tout aussi exacte que « citoyens du monde »), car nous avons notre rôle à jouer dans l’ordre sacré mis en place par les Dieux : c’est même tout le sens de nos rites. La méthode utilisée est cependant tout à fait inverse, car elle est de se concentrer d’abord sur les cercles les plus proches. Il s’agit en quelque sorte d’un Grand Recentrement, d’une relocalisation païenne de la vertu. Tous nos efforts sont d’abord censés tendre vers le fait de traiter les membres de notre foyer comme nous nous traiterions nous-mêmes. Ensuite, et seulement ensuite, quand nous y sommes parvenus, traiter les membres de notre famille éloignée comme nous traitions les membres de notre foyer, puis comme nous-mêmes. L’étape suivante est de procéder ainsi avec le cercle d’après, par exemple celui des amis : les traiter comme s’ils étaient des membres de la famille élargie, puis des membres de notre propre foyer, puis comme nous-mêmes. Traiter les étrangers comme des membres de notre communauté nationale, ou des animaux d’autres espèces comme s’ils étaient humains, n’est donc cohérent qu’après un très long travail, autant dans l’exploration sans concession de notre psychologie intime que dans l’immense tâche sans cesse recommencée qui consiste à retisser des liens sociaux solides et réciproques.

Les défis de notre époque, dont font partie l’effondrement écologique et la disparition des cultures autochtones, sont mondiaux et demanderont probablement une coopération mondiale pour y faire face. Mais cette coopération ne peut avoir lieu sans d’abord rebâtir la structure interne de nos communautés, y compris et surtout en Europe.

(P.S. : Il va sans dire que l’auteur de ces lignes n’a aucunement l’intention de s’ériger en modèle de vertu ; ce sera déjà une grande chose s’il peut être un modèle en matière de recherche de la vertu)

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En avel a-benn (Par vent contraire) [Denez PRIGENT]

EN AVEL A-BENN

En avel a-benn ni ‘ziwano,
Ni a gresko, ni a zesko.
En avel a-benn ni a c’hlazo,
Ni a vrousto, ni a vleunio.
En avel a-benn ni ‘weñvo,
Ni ‘zisec’ho ha ni ‘gollo.
En avel a-benn ni ‘ouelo,
N’eus forzh ni ‘gendalc’ho atav !


En avel a-benn ni ‘goshaio,
Ni ‘galedo, ‘n em zifenno.
En avel a-benn ni a frouezho,
C’hoazh hag adarre, diarzav.
En avel a-benn ni ‘hado,
Ni ‘eosto ha ni ‘drec’ho.
En avel a-benn ni ‘gano,
Ha tu an avel ni ‘cheñcho !

(Denez Prigent)

PAR VENT CONTRAIRE

Par vent contraire nous germerons,
Nous croîtrons, nous apprendrons.
Par vent contraire, nous verdirons,
Nous bourgeonnerons, nous fleurirons.
Par vent contraire, nous nous fanerons,
Nous nous dessécherons et nous perdrons.
Par vent contraire nous pleurerons :
Peu importe, nous persévérerons toujours !


Par vent contraire nous vieillirons,
Nous durcirons, nous nous défendrons.
Par vent contraire, nous fructifierons,
Encore et toujours, sans relâche.
Par vent contraire nous sèmerons,
Nous moissonnerons et nous vaincrons.
Par vent contraire nous chanterons,
Et le sens du vent, nous le changerons !

(Denez Prigent)

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Un fleuve corse proclamé « entité vivante »

C’est une première sur le territoire de la République française ! En Corse, le collectif Tavignanu Vivu, UMANI et Terre de Liens Corsica-Terra di u cumunu ont rédigé une déclaration de droits pour le fleuve Tavignanu, inspirée du modèle de Déclaration Universelle des Droits des Rivières du Earth Law Center. Le texte, disponible ici, déclare notamment que :

« Le fleuve Tavignanu est une entité vivante et indivisible de sa source jusqu’à son embouchure, délimitée par son bassin versant, et dispose de la personnalité juridique.

En tant que personne juridique, le fleuve Tavignanu possède les droits fondamentaux suivants :
–  le droit d’exister, de vivre et de s’écouler;
–  le droit au respect de ses cycles naturels;
–  le droit de remplir ses fonctions écologiques essentielles;
–  le droit de ne pas être pollué;
–  le droit d’alimenter et d’être alimenté par des aquifères de manière durable; –  le droit au maintien de sa biodiversité autochtone;
–  le droit à la régénération et à la restauration;
–  le droit d’ester en justice.
»

L’attribution à un patrimoine naturel d’une personnalité juridique et de droits assortis est quelque chose qui existe déjà ailleurs dans le monde, par exemple en Amérique du Sud et en Australie, suite aux revendications des peuples autochtones pour le respect de leurs traditions sacrées.

Source : https://mrmondialisation.org/declaration-des-droits-du-fleuve-tavignanu-corse-une-premiere-en-france/

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