Le néodruidisme « n’a absolument rien à voir avec les pratiques antiques »

Grégory Moigne a soutenu, ce lundi 6 février 2023, à Brest, sa thèse pour l’obtention du titre de docteur en études celtiques de l’Université de Bretagne Occidentale, titrée : « Le druidisme en Bretagne : militantisme celtique, spiritualité païenne et naturalisme holistique ».

La conclusion des sept années de recherches de ce brittophone chevronné ? Le néodruidisme « est une invention moderne », qui « n’a absolument rien à voir avec les pratiques antiques, même dans ses cérémonies ». Il incorpore par contre toutes sortes de modes contemporaines, telles que « le new-age, le néochamanisme, le développement personnel et le bien-être » (source : interview Le Parisien du 06/02/2023).

Au cours de son enquête, il a pu rencontrer le groupe nommé « Gorsedd de Bretagne » (dont les membres sont régulièrement présentés comme des « druides » par la presse régionale et locale), ainsi que d’autres groupes néodruidiques bretons, y compris en participant à leurs cérémonies. Il a également rencontré les responsables des plus anciens groupes néodruidiques britanniques, ceux qui sont à l’origine du néodruidisme breton : le Gorsedd du Pays de Galles, ainsi que le « Druid Order ». Les données collectées, recoupées avec les archives de l’Université de Dublin, du Pays de Galles, et du Centre de Recherche Bretonne et Celtique (CRBC), lui ont clairement permis non seulement d’établir l’absence de filiation entre les druides antiques et les différents groupes néodruidiques modernes (nés au 18e siècle en Grande-Bretagne), mais aussi de démontrer que les idées et pratiques de ces groupes ne se basent pas sur une étude approfondie de ce qui est connu des religions celtiques pré-chrétiennes.

Il existe cependant aujourd’hui, bien qu’il s’agisse d’un phénomène nettement plus minoritaire que le néodruidisme, des tentatives de résurgence de la religion celtique, sous une forme clanique traditionnelle, en puisant aux vraies sources de la tradition celtique.

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6 réflexions sur “Le néodruidisme « n’a absolument rien à voir avec les pratiques antiques »

  1. Bonjour, quid de la CCC ? Cordialement

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    • La thèse de monsieur Moigne n’étant pas encore publiée, j’ignore si la Celtiacon Certocredaron Credima a fait partie des groupes étudiés (ce qui me semble peu probable, son étude semblant centrée sur les groupes bretons et britanniques, ainsi que sur les groupes les plus anciens, les plus influents médiatiquement, et les plus populaires en nombre d’adhérents).

      En tout cas, la CCC est historiquement issue du néodruidisme britannique mais ne base pas ses pratiques dessus, puisqu’elle se base soit sur les recherches académiques concernant l’Antiquité celtique, soit sur les pratiques hindoues.

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  2. Alrun

    Pas surprise une seconde par les conclusions de cette recherche… Ce que j’ai pu voir du néodruidisme actuel est un gloubiboulga de Wicca et de franc-maconnerie (mon clavier n’a pas de cédille) à sauce chrétienne et en langue bretonne. Rien qui ne m’inspire personnellement.
    J’ai un ressenti similaire face aux mouvements Asatruar d’envergure. Esque ca vient des robes et des gros bijoux clinquants ? Possible.

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    • Le cas de l’Asatru est un peu plus variable, proportionnellement le recours aux sources historiques et/ou à une véritable vénération des Dieux est beaucoup plus courant. Même si, en effet, les influences de la Wicca et de la théosophie sont monnaie courante, elles se mêlent au moins dans la grande majorité des cas à des pratiques et idées historiques, tandis que c’est plus l’exception que la règle dans le néodruidisme.

      C’est aussi lié à des facteurs « matériels » : premièrement, des sources écrites sur les mythes scandinaves qui sont plus proches de la date de christianisation que les sources mythologiques celtiques ; deuxièmement, les premiers groupes néopaïens germano-scandinaves sont apparus plus de cent ans après les premiers groupes néodruidiques, avec tout ce que ça comporte en matière d’avancées en matière de recherches archéologiques et historiques. Plus facile d’avoir accès à des informations historiques à peu près fiables en 1900-et-quelques qu’en 1781 ! Sans compter que la plupart des groupes néopaïens germano-scandinaves actuels ne descendent *pas* de ces premiers groupes néopaïens du début du XXe siècle, mais sont nés à partir du tout début des années 1970, soit presque DEUX siècles après les groupes néodruidiques (qui sont, eux, *directement* à l’origine de l’essentiel du néodruidisme contemporain, qui rechigne à mettre de côté cet héritage fondateur, pour an-historique qu’il soit).

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      • Je suis en train de lire une recherche centrée sur l’utilisation et politisation du Germania de Tacitus à travers les siècles, et en fait le néopaganisme germano-scandinave a des débuts très précoces lui aussi. Peut-être pas aussi clairs et affirmés que le néodruidisme, mais dès 1720-30 environ il y a eu dans certains cercles intellectuels un désir de réétablir une mentalité germanique, y compris spirituellement. Ca n’a pas l’air d’avoir été pratiqué réellement, activement, mais les bases étaient lancées.

        De plus, les textes décrivant les pratiques religieuses païennes scandinaves sont de plus en plus contestés, non seulement en raison d’une rédaction bien postérieure aux faits (rien de nouveau en histoire après tout), mais surtout en raison d’une classification et interprétation de ces pratiques via un prisme gréco-romain. Des recherches récentes tendent à montrer que, contrairement à l’idée d’une cosmogonie hiérarchisée (Ases, Vanes, Jötunns), ces différentes catégories de divinités et de pratiques partaient en fait probablement d’une origine provenant de peuplements différents, ainsi que de différentes classes sociales.

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      • 1720-1730, c’est le début de l’influence de la pensée des Lumières en Allemagne (Aufklärung), dont les préoccupations rationalistes et universalistes sont complètement à l’opposé d’une spiritualité germanique. Il faut rajouter un demi-siècle (fin XVIIIe) pour arriver au romantisme allemand qui s’est justement construit en réaction aux Lumières. Là, on a en effet les précurseurs directs des premiers groupes néopaïens allemands des années 1900. Mais encore une fois, les milieux völkisch allemands ne sont pas à l’origine du gros du néopaganisme germano-scandinave actuel, contrairement aux groupes néodruidiques du XVIIIe qui sont directement à l’origine de la grande majorité des organisations néodruidiques actuelles.

        Je sais que Stefanie von Schnurbein défend l’idée d’un rôle-clé des milieux völkisch allemands dans l’émergence des mouvements Asatru des années 1970, mais son travail est souvent très partial et parfois même factuellement erroné… Je me permets de te conseiller l’article de Joshua Rood (INVESTIGATIONS INTO ASATRU:A CRITICAL HISTORIOGRAPHY) paru dans Aura (Tidskrift för akademiska studier av nyreligiositet) : https://journals.uis.no/index.php/AURA/article/view/359/265

        Tout comme les « recherches récentes » sur les pratiques religieuses germano-scandinaves pré-chrétiennes ne sont pas toujours pertinentes par le simple fait d’être récentes, surtout quand elles ne répondent pas convenablement aux recherches qui n’ont pas les mêmes conclusions. Par exemple l’hypothèse des « peuplements différents » pour les Ases et les Vanes est séduisante pour une certaine école de pensée qui veut historiciser et sociologiser les mythes, mais elle ne rend pas compte de l’existence de mythèmes similaires dans d’autres cultures indo-européennes, ce qui exclut que l’origine en soit des événements historiques ayant eu lieu en Scandinavie. Pareil pour le vieux serpent de mer de « l’origine chrétienne du Ragnarök » alors que des thèmes eschatologiques similaires sont présents dans bien d’autres traditions indo-européennes (c’est la conclusion de l’ouvrage le plus complet *et* le plus récent sur le sujet, « The End of the World in Scandinavian Mythology: A Comparative Perspective on Ragnarök » de Anders Hultgård, ce qui n’empêche aucunement de nombreux universitaires de faire comme si la méthode comparatiste était dépassée ou n’avait jamais existé). On voit aussi fréquemment resurgir dans des publications académiques des remarques sur le caractère « chrétien » du contexte de « rédaction » de l’Edda poétique, alors que la plupart des poèmes ont clairement été composés entre le VIIIe et le Xe siècle (donc avant la christianisation) si on se base sur des preuves linguistiques plutôt que sur la date à laquelle les poèmes ont été *mis par écrit* (ce qui importe finalement peu quant au contenu).

        Bref, tout ça pour dire que l’existence d’un débat académique (ou les tentatives de se faire une place au soleil en remettant en cause les recherches précédentes) ne signifie pas que les théories les plus à la mode à un instant t sont forcément les plus justes. Et qu’il y a aussi une grosse différence entre, d’un côté, l’existence d’un débat académique sur l’interprétation des sources germano-scandinaves, et de l’autre côté le fait de se baser sur des filiations ou sources dont le caractère falsifié a été prouvé (par exemple les fameux manuscrits de Edward « Iolo Morganwg » Williams, à l’origine du Gorsedd gallois et donc breton).

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