Archives mensuelles : mai 2015

Religions traditionnelles (2) : Ébauche d’un modèle

Comme nous avons pu le voir, une religion traditionnelle est l’ensemble des informations et des pratiques, partagées au sein d’un groupe déterminé et transmises de génération en génération, qui mettent en lien avec une réalité supérieure par le biais d’arts ou de sciences. De quelle « réalité supérieure » s’agit-il donc ? Il n’est pas ici question de faire des généralités sur les croyances (le « contenu » des religions traditionnelles), mais d’essayer de comprendre la nature des ces différentes relations, de comprendre de quel type de relation il s’agit, c’est-à-dire d’élaborer un modèle théorique. Ce modèle ne se veut évidemment pas être une sorte de manuel religieux à imposer à des communautés déjà existantes (ou même en formation), mais simplement une esquisse qui permette de mieux comprendre le sujet quand on a jamais été en présence d’une religion traditionnelle réellement pratiquée. Vouloir étudier cela en senfermant dans les carcans scientifiques occidentaux serait contre-productif : la carte n’est pas le territoire, etc. Une religion traditionnelle est quelque chose de vivant, c’est-à-dire unique, extrêmement complexe, à la fois changeant et souvent très conservateur, faisant appel à des symboles et à des émotions. Ces précautions prises, on peut avancer l’idée que, dans l’ensemble, et de la même manière que les traditions sont constituées de trois composantes (les arts, rites et savoirs traditionnels), les religions traditionnelles comportent trois types de relations : le lien du sol, le lien du sang, le lien de la pensée.

Tout d’abord, le lien au sol est primordial : les religions traditionnelles s’ancrent systématiquement dans leur espace, qu’elles structurent mentalement par la localisation des différents cultes. Ensuite, à cause de l’aspect intergénérationnel qui est présent par définition, les liens de sang occupent une place plus ou moins grande, dont la forme la plus courante est le culte des ancêtres, qu’on retrouve aussi bien en Extrême-Orient que chez les tribus subsahariennes. Enfin vient le lien de la culture, de la pensée, celui qui est le fondement des religions non-traditionnelles, détachées de leur terroir d’origine et faisant de la « communauté des croyants » la famille suprême. Cela ne signifie pas pour autant que ce lien soit absent des religions traditionnelles, où les éléments culturels, les rites de passage, la vision du monde commune, structurent la collectivité et influent fortement sur la manière dont se réalisent les autres liens.

Ces trois types de liens, ceux de la terre, de la lignée, et de la pensée, sont propres à chacun des « groupes déterminés » possédant sa religion traditionnelle. Ils relient avant tout les membres de la communauté en question à leur terre, leur lignée, leur pensée. On peut dire d’une certaine manière, en prenant beaucoup de recul, qu’il s’agit à chaque fois d’une manière d’honorer la Terre, l’Humanité (ou la Vie, après tout) et la Pensée. Cependant, en matière d’étude des religions traditionnelles, le recul n’est pas une fin en soi, car les abstractions, à grands renforts de majuscules et d’unicité, tendent à brouiller l’observation plutôt qu’à l’améliorer. Si ce type de démarche peut être utile pour dégager certains motifs répétés, et c’est d’ailleurs de cette manière qu’est construit cet essai, il faut garder en tête que chaque société traditionnelle est avant tout son propre référentiel malgré les similitudes. A l’inverse, finalement, des religions abrahamiques, qui derrière leurs différences conservent une vision du monde assez homogène.

Rendu ainsi au moment de tracer les grandes lignes directrices du modèle, il serait tentant de hiérarchiser ces trois liens, par exemple selon l’importance qu’ils prendraient. Après tout, comme nous l’avons vu, la « pensée commune » est le facteur le moins souvent mis en avant par les religions traditionnelles, et le placer en dernière position, entièrement subordonné aux autres, serait très tentant parce qu’il renforcerait l’opposition entre les religions traditionnelles et les autres. Le culte des ancêtres, quant à lui, peut être plus ou moins discret selon les groupes, et se satisferait donc de la place intermédiaire. Quant au lien du terroir, qui en plus a le mérite de fleurer bon l’écologie, le mythe du noble sauvage et le retour à la nature, quoi de mieux que de le placer au pinacle, le brandissant comme un étendard des « religions de la Nature » et autres « earth-based spiritualities » ? Cela permettrait en plus de faire entrer par effraction une bonne partie des mouvements New Age dans les religions traditionnelles, le reste devenant des points de détail aisément laissés de côté dans cette grande union mystique. Hélas, comme vu précédemment, prendre de la hauteur quand on étudie les religions traditionnelles revient un peu à dézoomer quand on regarde une fourmi. Certes, cela permet de comprendre comment elle interagit avec son environnement, s’intègre dans la fourmilière, mais en attendant cela rend son anatomie inobservable et son schéma d’autant plus approximatif. Dans le modèle présenté ici, il n’y aura donc pas de hiérarchisation des trois liens.

Cela ne signifie pas qu’une religion traditionnelle donnée ne met pas l’accent sur un des points, parfois même jusqu’à ignorer passablement les deux autres. Ces religions étant rarement mutuellement exclusives, surtout si elles se rapportent à des degrés différents (culte familial et culte national) ou de nature différente (culte d’une guilde d’artisans et culte de la source d’un village), une ou plusieurs autres religions vont alors souvent prendre le relais pour former une sorte de méta-système religieux. Ce phénomène est particulièrement bien documenté dans la religion traditionnelle chinoise, encore vivace à l’heure actuelle, mais s’observe très fréquemment sur différents continents et a tendance à s’accroître au fur et à mesure que les sociétés se complexifient (en l’absence, bien entendu, d’une religion exclusive qui va tenter d’endiguer le phénomène avec plus ou moins de succès, les syncrétismes restant monnaie courante).

Cette mosaïque de cultes variés, mettant l’accent sur un ou plusieurs liens selon les cas, peut faire penser à la spiritualité « à la carte » en vogue en Occident depuis la seconde moitié du XXe siècle. Il faut cependant garder à l’esprit que, s’il est en effet tout à possible pour une personne d’être dans une combinaison unique d’appartenance à différentes religions (par exemple, être le seul forgeron de sa lignée à habiter dans un village donné), cela n’est pas dû à son individualité propre qui aurait choisi un tel patchwork pour s’exprimer pleinement. C’est le résultat d’une conjonction entre les différents rôles qu’elle joue dans chacun des groupes auquel elle appartient ; et cette position est parfois héritée et transmise, de sorte qu’elle est unique parmi sa génération mais n’est dans le temps qu’un maillon d’une chaîne d’individus tout aussi uniques par rapport à leurs contemporains. En tant que tel, le terme de « lien » fait, semble t-il, parfaitement sens, puisqu’il relie les différents membres d’une société traditionnelle entre eux et à leurs réalités supérieures, mais que ce mot résonne comme une insupportable entrave à la liberté absolue, grand idéal de l’Occident moderne.

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Religions traditionnelles (1) : Définition

Qu’est-ce qu’une « religion traditionnelle » ? La question est épineuse. Pour commencer, une petite mise au point sur la définition des deux termes s’impose. Après de longues recherches, le Trésor de la Langue Française Informatisé (consulté en mai 2015) s’est avéré être la source la plus à jour en termes de recherche en anthropologie, et offrant le plus riche éventail de sens et d’usages pour chaque terme.

Religion : « Forme particulière que revêt, pour un individu ou une collectivité, le rapport de l’homme à l’ordre du divin ou d’une réalité supérieure, tendant à se concrétiser sous la forme de systèmes de dogmes ou de croyances, de pratiques rituelles et morales » (pour rappel, un dogme est une « proposition théorique établie comme vérité indiscutable par l’autorité qui régit une certaine communauté », tandis qu’une croyance est une « certitude plus ou moins grande par laquelle l’esprit admet la vérité ou la réalité de quelque chose »).

En clair, on parle donc ici de la forme que prend le rapport entre l’homme et une réalité supérieure ou divine. C’est le cœur de la définition, à garder en tête pour la suite. En entrant un peu plus dans les détails, il convient de bien faire attention à un mot qui revient trois fois : ou. Cela peut en effet concerner un individu ou une collectivité, se rapporter au divin ou à une réalité supérieure, se concrétiser en systèmes de dogmes ou de croyances (ou ne pas se concrétiser en de tels systèmes, puisque ce n’est qu’une tendance). D’ailleurs, ce système peut inclure des pratiques rituelles, ou seulement morales, ou les deux.

Si on pose le problème en arborescence, on s’aperçoit que, même sans rentrer dans le contenu des différentes religions, on a déjà en fait 64 variantes possibles inclues dans cette définition. Ceci conduit automatiquement à prendre un certain recul vis-à-vis des formules toutes faites sur le fait religieux, comme « la religion est l’opium du peuple » ou « toutes les religions ont au fond le même message ». Il est possible d’avoir des religions sans concept de divin (exemple : certaines branches du bouddhisme), sans dogmes (exemple : la plupart des religions traditionnelles, mais nous y reviendrons), sans pratiques rituelles (exemple : certaines écoles philosophiques grecques). Profitons-en également pour évacuer les poncifs qui amalgament religion et catholicisme ou religions similaires : clergé, livre saint, lieu de culte bâti, ne font pas partie de la définition et peuvent donc aussi bien être présents que ne pas l’être.

Mais alors, les idéologies politiques ou la méthode scientifique correspondent à la définition d’une religion ? Eh bien, en fait, oui. On pourrait y voir un échec dans cette tentative de définir les religions, mais en l’absence de meilleure approche des différentes formes prises par des religions qu’on ne saurait nier, il convient simplement de garder l’esprit ouvert.

Tradition : « Savoir, abstrait ou concret, transmis de génération en génération par la parole, par l’écrit ou par l’exemple », mais aussi « information, opinion, croyance largement répandue, mais non confirmée, qui concerne des événements ou des faits situés entre la légende et l’Histoire » ainsi que « façon de faire, de penser, héritée du passé, dans un groupe social ou professionnel ». Notez qu’il ne sera pas ici question de la Tradition Primordiale de la philosophie pérénnialiste, que Guénon imagine comme une vérité ésotérique immuable, universelle, inexprimable, qui aurait été transmise de manière ininterrompue de maître à discipline, indépendante de l’exotérisme qui l’entoure.

Concernant la tradition, on se retrouve donc avec trois définitions. Elles ne sont pas nécessairement contradictoires, bien au contraire, et donnent en fait trois angles d’approches. La première définition insiste sur la transmission intergénérationnelle d’un savoir « abstrait ou concret » qui fait écho aux systèmes de dogmes/croyances ou de pratiques rituelles/morales. Ainsi, dans le cadre d’une religion traditionnelle, il y a à la fois un rapport de l’humain au divin ou à la réalité supérieure, et un rapport de l’humain à l’humain par le biais de cette transmission intergénérationnelle qui permet d’inscrire la pensée humaine dans le temps et donc de contribuer à la durabilité de la collectivité qu’elle concerne (l’appartenance à cette collectivité n’exclut pas l’appartenance à d’autres collectivités, en particulier si elles sont de nature différente, parce exemple on est à la fois membre d’une famille, d’un village, d’un corps de métier, etc).

La deuxième définition revient sur le fait qu’il s’agisse d’une information partagée par plusieurs individus (sans nécessairement de phénomène de coercition de la part d’une autorité), et que cette information est d’une nature particulière puisqu’elle a tendance à se situer à cheval entre l’art et la science, débordant à la fois sur l’un et sur l’autre sans les opposer frontalement. Einstein, comme Hegel et tant d’autres, ont mis en évidence les profondes similitudes entre les arts, les religions et les sciences, caractérisés par la recherche d’une compréhension ou d’une expression par l’esprit humain d’une forme de réalité supérieure : cela est devenu d’autant plus vrai depuis que la physique quantique et l’astrophysique nous parlent de phénomènes non-observables par le commun des mortels, et d’ailleurs difficilement compréhensibles par ceux-ci.

Enfin, la troisième définition rejoint pour beaucoup les deux précédentes, en ré-affirmant le caractère collectif et durable de la tradition. Toutefois, cette collectivité n’a pas vocation à être universelle, et la durabilité n’est pas nécessairement synonyme d’immuabilité. A noter aussi que, par « façon de penser », cette définition permet également d’inclure le fait que les traditions peuvent aussi bien concerner des données brutes que la manière dont elles sont interprétées ou dont elles sont utilisées, c’est-à-dire à la fois le contenant (« la » tradition) et le contenu (« les » traditions).

Ayant ainsi déblayé le sujet, on peut donc donner une première définition d’une religion traditionnelle. C’est l’ensemble des informations et des pratiques, partagées au sein d’un groupe déterminé et transmises de génération en génération, qui mettent en lien avec une réalité supérieure par le biais d’arts (poésie, musique, danse, …) ou de sciences (astronomie, médecine, agronomie, …).

A présent que nous avons défini notre objet, ce n’est guère que le début de l’affaire. Toute une farandole de questions se posent : quels sont les phénomènes réels qui correspondent à cette définition ? Quels sont les processus qui amènent les religions traditionnelles à se constituer et à acquérir ces caractéristiques ? Qu’est-ce qui différencie une religion traditionnelle d’une religion non-traditionnelle, ou d’une tradition non-religieuse, et est-ce qu’un changement de catégorie au fil du temps est possible ?

Ces problématiques, en plus de prendre fort longtemps à traiter, relèvent assez nettement de sujets de recherche universitaire en anthropologie. N’ayant de toute manière pas de formation académique dans ce domaine, c’est quelque peu hors de ma portée. L’objectif pour la suite est donc d’un autre ordre, sans doute plus simple à saisir pour le lecteur mais plus périlleux pour l’auteur (c’est d’ailleurs sans doute pour ça qu’aucun universitaire ne s’y est risqué à ce jour). Il va s’agir de proposer un modèle théorique qui essaye, d’un point de vue occidental et moderne, d’exprimer les principaux mécanismes des religions traditionnelles.

A partir de là, chacun pourra décider ou non qu’il a l’intention de s’engager dans le changement de paradigme sous-jacent à la pratique d’une religion traditionnelle (rappelons que les religions traditionnelles concernaient environ 30% de la population mondiale en 2012 d’après les données du Pew Research Center qui ne comptabilisent pas les syncrétismes locaux des religions abrahamiques, et d’après les taux de conversions et les prévisions démographiques, cette proportion ne devrait enregistrer qu’une légère baisse à l’horizon 2050). Quoi qu’il en soit, ce choix pourra se faire de manière éclairée, tout en comprenant en quoi certains phénomènes d’appropriation culturelle peuvent être offensants. Le but étant entre autres d’expliciter les relations et différences qui existent entre les religions traditionnelles, européennes ou non, et le néopaganisme (qu’il s’agisse de la Wicca, du néochamanisme de Harner, du néodruidisme, de l’Asatru…), l’occultisme/ésotérisme occidental de manière générale (y compris la « Sorcellerie Traditionnelle » de certains blogs et best-sellers), et plus largement les courants issus du New Age.

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Le Blaireau, le Porc-épic et le Renard : ouste !

Les anciens calendriers du nord de l’Europe font commencer la saison claire début mai. Dans la tradition rhénane, en particulier telle qu’elle a été conservée en Pennsylvanie, les Géants du givre tentent, pendant la première demi-lune qui suit le premier jour de mai, de renverser l’ordre cosmique et de prendre le contrôle de la partie claire de l’année. C’est vraisemblablement en lien avec les textes scandinaves qui parlent du Fimbulvetr, le Terrible-Hiver, qui durera trois ans consécutifs et annoncera la fin de notre ère dans un chaos fratricide où les traditions seront profanées.

Butzemann des hauts de Saverne

Le treizième jour de mai, c’est le Blaireau du Treize (Drizehdàcks en alsacien, Drizehdax en franconien) qui surgit des zones sauvages situées hors du Mettelgàrt, le domaine des Humains. Dünner, le plus fort des Dieux, fait usage de sa massue-tonnerre pour lui infliger la correction qu’il mérite. Après qu’il se soit carapaté pour lécher ses plaies, le lendemain arrive Vatzehvedder, le Porc-épic du Quatorze. Cette fois, Dünner monte la garde et apprend au Butzemann, l’Esprit protecteur de chaque territoire habité des Humains, à le repousser, puisqu’il est moins virulent que le Blaireau du Treize si on sait comment s’y prendre. Alors que Porc-épic Quatorze rumine son humiliation, arrive dans les vingt-quatre heures suivantes le Fufzehfucks (Fuffzehfux en franconien), le dernier Géant du givre. Celui-ci est particulièrement rusé et prend la forme d’un goupil, le Renard Quinze, qui s’approche lentement de l’enclos des Humains et le franchit subrepticement. Heureusement, le Butzemann veille au grain et repousse courageusement ce vil couard qui glapit en s’enfuyant. Si nécessaire, par exemple si les forces de l’hiver sont plus coriaces qu’à l’accoutumée ou le Butzemann local un peu naïf, Dünner lui donne un coup de main.

Fosse à offrandes Saverne 16 mai 2015C’est d’ailleurs ce qui s’est passé cette année en Alsace, puisque nous avons eu droit à un bel orage. Le 16 mai, profitant d’une promenade dans les Vosges, nous avons donc procédé à une cérémonie d’offrande à Wogesen (Vosegus en latin), le maître des Esprits du massif qui domine la plaine jusqu’au Rhin. Après une belle marche, nous sommes arrivés à un endroit particulièrement propice possédant un petit autel moussu, un immense frêne en guise d’Arbre-Monde qui était entouré de branches de chêne pour bénir l’endroit, des roches propices à l’accueil des Esprits, et également une fosse à offrandes. Les fumigations et invocations d’usage furent suivis de libation de bière en l’honneur des Ancêtres d’un participant, de Guldzàhn qui veille sur l’arc-en-ciel dans son château au sommet du Himmelsbarg (la montagne céleste), de Dünner notre ami protecteur et de son père Wüati (Odin), et bien évidemment de Wogesen et des siens.

Cette année encore, l’été et nos fidèles alliés ont vaincu les Géants du givre, porteurs du chaos et ennemis de la vie. Alors que la lueur des bougies dédiées à nos Ancêtres et nos Descendants ont vacillé avec le vent qui soufflait en haut des Vosges, celle en l’honneur de nos vivants Amis a fièrement tenu tête aux éléments. Aussi longtemps que nous vivrons, entretenant notre mémoire et la transmettant à ceux qui nous suivent, perdureront nos coutumes : respect de la parole donnée, hospitalité et harmonie de nos communautés, honneurs rendus à nos terres sacrées au fil des saisons.

Lieu blot 16 mai Saverne

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Croire au village

Croire au village, c’est donner un sens à sa vie ; c’est savoir que les limites ont un sens, ou plutôt que rien n’a de sens sans elles. C’est un peu sot de s’imaginer que nous n’avons aucune raison d’être ici plutôt qu’ailleurs. Continuer nos pères, pour quoi faire ? Nous le savons très bien. Le cerveau comme la feuille ont besoin d’être rattachés à l’arbre, et l’arbre à ses racines. Un chez-soi bien assez vaste pour n’en jamais découvrir toutes les richesses. Pas de fuite en avant. Être à notre place, consentir à se fixer afin de ne pas faire comme si tout l’Univers nous était réservé. Soyons fiers de la vie que nous vivons ! Lucides en permanence sur nos droits et nos devoirs, n’ayons aucune pitié pour nous-mêmes si nous y manquons.

Refusons de nous éparpiller en colons envahissants.

Être des hommes qui regardent leur village avec une loupe pour en saisir la complexité infinie.

Rappelons-nous que ce monde a un sens.

(Chat Poron, parodié de Jules Renard)

Comme on dit en breton, « Kant bro, kant giz, da bep labous e gan, da bep pobl e frankiz ! » (cent terroirs, cent coutumes, à chaque oiseau son chant, à chaque peuple sa liberté). Chaque lopin de terre contient en lui tous les secrets de la nature pour peu de l’étudier assez, chaque langue et chaque culture permet d’exprimer son humanité pour peu de s’y plonger suffisamment, et chaque tradition religieuse contient en elle-même tout ce qui est nécessaire pour trouver sa place dans le cosmos.

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Amérindiens, Européens, et religions indigènes

Un récent article bâclé sur un jounal en ligne (V**e.com), qui semblait visiblement n’être là que pour attirer les clics, a épinglé un leader du paganisme germano-scandinave nord-américain comme étant « raciste ». Il se trouve que deux traductions de déclarations de chefs religieux indigènes étaient dans les cartons de notre blog. Voici donc, sans commentaire particulier autre que des mises en gras. D’abord, la phrase qui est censée être raciste, puis une déclaration de mars 2003 d’Arvol Looking Horse, chef Lakota reconnu, puis une déclaration du prétendu raciste germano-scandinave.

Je n’ai jamais dit que des non-Européens ne pouvaient pas pratiquer l’Asatru [la religion traditionnelle germano-scandinave]. Mais je me demande juste pourquoi quiconque voudrait suivre une religion indigène européenne, alors que la religion de leurs ancêtres est toute aussi valide et digne d’être suivie. Je me demande ce que peuvent ressentir leurs propres ancêtres quand ils sont ainsi négligés.

On tremble devant une telle déclaration de suprémacisme racial. Par contre, chez Arvol Looking Horse, ça rigole déjà un peu moins…

Il a été décidé que, à partir du 9 mars 2003, il n’y aura plus de non-indigènes autorisés à être présents dans notre Ho-c’o-ka (notre autel sacré) pendant nos Sept Rites Sacrés. […]

Ne vous laissez pas tromper par la moustache, c'est le réincarnation d'Adolf Hitler.

La moustache prouve bien qu’il ne s’agit pas de la réincarnation d’Adolf Hitler.

Durant la Wi-wanyang-wa-c’i-pi (la Danse du Soleil), les seuls participants seront des indigènes. Les non-indigènes doivent comprendre et respecter notre décision. Si certains non-indigènes sentaient qu’ils devaient y participer prochainement et s’inquiètent de notre décision, ils doivent comprendre que nous avons été guidé vers ce choix lors de nombreuses prières. Notre but lors de la Danse du Soleil est la survie de nos futures générations, et ce avant toute autre chose. Si les non-indigènes comprennent ce but, ils comprendront aussi notre décision, et sauront que leur départ de notre site sacré est leur sincère contribution à la survie de nos générations futures. […]

Il a aussi été décidé que seuls les Lakotas, Dakotas, Nakotas, auront droit de mener une cérémonie liée à notre autel sacré. […] Il n’y aura aucun frais d’entrée pour participer à une de nos cérémonies sacrées. La seule obligation à ce niveau l’o-pa-g’i, qui consiste à offrir du tabac consacré, que l’Homme-Médecine peut accepter ou refuser. Les Hommes-Médecine doivent survivre, et si quelqu’un veut donner une contribution monétaire ou quelque cadeau que ce soit, après avoir participé à la cérémonie, si celui vient de leur coeur, il n’y a aucun problème à cela. Nous croyons que les Anciens nous permettent de survivre dans le monde moderne, et tous les présents, que ce soit de l’argent, des vêtements, de la nourriture ou quoi que ce soit d’autre représente notre gratitude par rapport à l’aide qu’ils apportent. Certains peuvent se permettre de gros cadeaux, d’autres non. Cela s’équilibre. […]

Je remercie tous les non-indigènes qui ont permis à notre Peuple de récupérer nos talismans sacrés. J’ai pu échanger avec eux en privé, et prendre connaissance de leur profonde sincérité dans l’aide qu’ils apportent à notre Nation pour permettre la survie de notre mode de vie traditionnel, pour les générations à venir. Ils nous ont été à restaurer l’honneur de nos sanctuaires et de nos talismans. […]

Il y a aussi eu des discussions pour savoir si seuls les membres des tribus des Plaines pouvaient participer à nos cérémonies sacrées. Dans les années 70, le chef Fools Crow et mon père Stanley Looking Horse autorisèrent les membres des autres Nations Amérindiennes à participer à ces rites. La raison était que beaucoup de ces Nations avaient perdu leurs traditions à cause de l’assimilation ou de la mort de leurs sages. Ils ont donc honoré et compris l’unité des Nations Amérindiennes, au vu de l’aide apportée lors de l’occupation de Wounded Knee. Je ne peux revenir sur leur décision à cause du respect que je leur dois. Il a aussi été dit tout au long de notre histoire que nous avons respectueusement convié à nos cérémonies d’autres Nations Amérindiennes. […]

Dans le Cycle Sacré de la Vie, il n’y a ni début ni fin !

(Chef Arvol Looking Horse, 19ème génération des gardiens de la pipe du bison blanc)

Et c’est bien normal. N’est-ce pas leur droit le plus strict ? Qui serions nous pour venir leur dicter ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire ? Nous autres, indigènes européens, nous laissons ce genre de droit d’ingérence aux colonialistes, et le « devoir d’ingérence » aux mondialistes néolibéraux, grands criminels contre l’humanité de notre époque, qu’ils fassent la guerre « sans l’aimer » ou non.

Pour finir sur une note plus positive, une déclaration un peu plus longue du chef religieux germano-scandinave incriminé :

Asatru – pourquoi nous devons soutenir tous les peuples indigènes

Mon rôle dans le mouvement Asatru a, pour ainsi dire, défini ma vie. Ceux qui me connaissent, toutefois, savent que j’ai fait un certain nombre de choses peu courantes en plus de la religion germanique. Je suis allé au nord de l’Inde interviewer des Tibétains qui luttaient contre l’occupation chinoise. J’ai campé avec les guérilleros Karen dans les jungles de Birmanie, qui défendaient leur identité contre un gouvernement tyrannique. On parle moins de mon soutien au militant démocrate nigérian Ken Saro-Wiwa, et de toutes les autres occasions où j’ai joint ma voix aux causes des peuples indigènes de la planète.

Pourquoi quelqu’un d’occupé à promouvoir notre foi germanique se donne t-il cette peine ? Que peut bien me faire ce qui arrive aux Tibétains, aux Birmans, aux Nigérians ? Nous autres Germains n’avons-nous pas assez de problèmes ?

En tant qu’Européen, et en tant que pratiquant d’une foi indigène européenne, l’Asatru, j’ai l’obligation spirituelle de m’occuper et de défendre mon propre héritage. Mais, même si c’est moins évident, il n’en est pas moins vrai que je dois aussi prendre en compte le destin des autres peuples.

Au final, nous autres Européens sommes dans le même bateau que les Tibétains, les Karens, ou les tribus amazoniennes. Nous essayons tous de préserver notre peuple, notre culture, nos religions indigènes, dans un monde où les multinationales et les gouvernements liberticides détruisent tout sur leur passage, afin de dénaturer l’Humanité en un amas des « gens normaux » déracinés, capables uniquement de produire, de consommer, et d’obéir. Où sera t-elle donc, cette liberté germanique dont certains se vantent ? Qu’arrivera t-il à cette fameuse « âme nordique », à notre tendance faustienne qui nous pousse à nous élever, quand nous serons esclaves dans la plantation mondiale des banquiers et des élites industrielles ? C’est simple : il n’en restera rien. Et le seul moyen d’empêcher cette mort par homogénéisation est d’être chacun ce que nous sommes, d’honorer chacun ce qui nous rend uniques. Nous devons le faire en tant qu’Européens, et devrions encourager les autres à faire de même.

A tel point qu’on a parfois raconté dans mon dos que je « voulais aider toutes les races sauf la mienne ». Non seulement cela dénote une vision un peu biaisée des choses, mais c’est faux. Mon propre peuple restera le plus proche de mes yeux, de mon cœur, de mes mains dévouées à faire le bien autour de moi. Mon amour, et surtout mes devoirs, me poussent en priorité vers lui, et je pense que c’est tout à fait naturel.

L'accusé semble plaider non-coupable.

L’accusé semble plaider non-coupable (mais la question devrait tout arranger)

Mais le monde n’est pas un jeu à somme nulle, et il y a énormément de situations gagnant-gagnant à des problèmes globaux. Même s’il peut y avoir compétition dans certains situations, tous ceux qui veulent préserver leur identité face à la monoculture mondialisée, quelle que soit leur langue ou leur couleur de peau, ont un but commun. Si les libéraux veulent nous vendre du soda fait aux États-Unis et des jouets faits en Chine, il doivent d’abord nous « moderniser ». C’est évidemment à double-tranchant : cela peut avoir des impacts positifs, mais le processus tel qu’il est programmé nous mène à marche forcée vers la destruction de toute forme d’échange interpersonnel gratuit, pour prêter allégeance à la banque et à la télévision. Drôle de manière de fabriquer des « citoyens du Monde ». Cela vaut aussi bien pour les Occidentaux que pour les sociétés tribales du Tiers-Monde, et rien ne serait plus terrible pour ceux qui veulent préserver leurs liens sociaux au XXIème siècle.

L’écologie fait aussi partie de cette lutte. L’industrialisation et l’exploitation des ressources naturelles ne prend pas en considération les besoins des écosystèmes et des peuples locaux qui sont les plus directement touchés. Au moment même où j’écris ces lignes, les derniers habitats forestiers du tigre de Sumatra sont détruits pour fabriquer du papier toilette ! Si cela vous semble trop lointain pour vous inquiéter, pas de soucis, il y a une longue liste d’espèces plus ou moins photogéniques qui sont en train de disparaître à moins de 100 kilomètres de chez vous. Les peuples, comme les animaux, sont adaptés à un écosystème particulier, et en l’affectant vous menacez leur existence-même.

Je suis fier de me tenir aux côtés de tous ceux qui sont fidèles à leurs traditions et à leur lignée face au naufrage de la mondialisation. C’est le plus grand défi de notre ère, et il consiste en notre devoir vis-à-vis de nos ancêtres comme de nos descendants, qui vivront dans le monde que nous sommes en train de forger par nos choix. Vous voulez un combat héroïque ? Pas la peine de fantasmer sur le passé – nous avons la chance de vivre au plus grand Âge des Héros qui ait jamais été !

Salut aux Dieux ! Salut à l’Asatru !phteven

Steve McNallen (Copyright © Asatrú Folk Assembly)

Tremble, monde libre : le fascisme écologiste anti-impérialiste est à tes portes. Très sainte consommation, priez pour nous et l’intercession de la main invisible du marché unique !

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Bénédiction matinale dans la tradition germano-scandinave

Note : ceci est un extrait d’un fascicule en cours de rédaction sur une manière de pratiquer au quotidien la tradition germano-scandinave. L’impératif est utilisé par soucis de concision.

Benediction matinale

IL EST NATUREL DE SALUER LE SOLEIL AU MATIN. Dans notre tradition, c’est la déesse Sunna qui conduit le char solaire. Celui-ci, comme la lune, est poursuivi par un loup géant qui l’attrapera au Ragnarök. Chaque jour qui nous en sépare est béni par un court hymne, afin qu’il soit utilisé pour nous préparer au mieux.

« The Wolves Pursuing Sol and Mani » par John Charles Dollman (1909)

CETTE PRIÈRE PROVIENT DU SIGRDRIFUMAL, UN CHANT TIRÉ DE L’EDDA POÉTIQUE. La valkyrie Brunehilde a été endormie par la piqûre d’une épine magique. Après avoir vaincu le dragon Fafnir, le héros Siegfried la délivre de son sommeil. Lorsqu’elle se réveille, elle lui chante ces deux strophes en lui tendant une corne à boire pleine d’hydromel, la boisson de l’inspiration :

SALUT AU JOUR !

SALUT AUX FILS DU JOUR !

SALUT À LA NUIT ET SES FILLES.

REGARDEZ-NOUS AVEC DES YEUX BIENVEILLANTS, ET ACCORDEZ-NOUS LA VICTOIRE !

SALUT AUX dieux !

SALUT AUX déesses !

SALUT À LA TERRE GÉNÉREUSE.

DONNEZ-NOUS LE BON SENS, L’ÉLOQUENCE ET DES MAINS HABILES À FAIRE LE BIEN !

DÉBUTER AINSI SA JOURNÉE, C’EST S’INSCRIRE DANS NOTRE TRADITION POUR BÉNÉFICIER D’UNE SAGESSE ANTIQUE QUI EST TOUJOURS D’ACTUALITÉ. En effet, la suite du poème contient de précieux conseils révélés à Siegfried. Ils ne sont pas des dogmes, mais des condensés de millénaires d’expérience, issus de temps où la stupidité était synonyme de mort rapide. Alors que nous sommes bombardés de messages publicitaires, c’est un moyen de nous reconnecter à la nature, et à notre propre nature humaine.

NOUS CONSERVONS ENTIÈREMENT NOTRE LIBRE-ARBITRE, NOTRE « VOLONTÉ DE PUISSANCE ». C’est à nous de faire les choix nécessaires pour se forger un destin héroïque. En quelques vers, ce poème nous rappelle que, même sous le regard bienveillant des astres, le succès dépend de nos propres capacités : bon sens, éloquence, habilité. Un journée vécue dans notre tradition consiste donc à les entretenir, à les développer, et à accompagner les siens dans cette voie.

Tiré de « Jour après Nuit – vivre au quotidien dans la tradition germano-scandinave », un fascicule du clan Ostara à paraître cette année. Vous pouvez retrouver ici le fascicule sur Les Douze Nuits de Yule concernant les festivités du solstice d’hiver.

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« Maypole song from Summerisle », un chant pour l’Arbre de Mai

Dans les bois j’ai vu un arbre
C’était un très bel arbre :

{Ce bel arbre avait un tronc
Et sur ce tronc, y’avait une branche,
Sur cette branche, y’avait un nid,
Et dans ce nid, y’avait un oeuf,
Dans cet oeuf, un oisilon,
Qui perdit une petite plume
De la plume, on fit un lit…

Sur ce lit, y’avait une fille,
Sur cette fille, y’avait un gars,
De ce gars, une semence,
De la semence, un p’tit garçon,
Le garçon devint un homme,
Pour cet homme, on fit une tombe,

Par-dessus la tombe, un arbre…

C’est l’été ! c’est l’été ! c’est l’été ! c’est l’été ! c’est l’été !

(bis repetita)}

L’Arbre de Mai (film : The Wicker Man)

Et, quand même,les paroles originales :

In the woods there grew a tree
A fine, fine tree was he

On that tree there was a limb
And on that limb there was a branch
On that branch there was a nest
And in that nest there was an egg
In that egg there was a bird
And from that bird a feather came
Of that feather was a bed

On that bed there was a girl
And on that girl there was a man
From that man there was a seed
And from that seed there was a boy
From that boy there was a man
And for that man there was a grave
From that grave there grew a tree

In Sumerisle, Sumerisle, Sumerisle, Sumerisle, Sumerisle

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La foi n’est parfois pas une question de foi

« Tandis que certaines religions sont fondées sur l’adhésion à un credo strict, les religions traditionnelles défendent fermement la liberté d’opinion de leurs membres, parfois jusqu’à l’athéisme… avec la bénédiction des sages »

Une des choses les plus étonnantes que je dis à propos de la Tradition Hindoue, dans mes conférences auprès de groupes religieux ou d’écoles, c’est que l’hindouisme n’est pas basé sur la foi. Comment ça ? Tout simplement, nous avons énormément de doctrines à partager, mais nous n’avons pas de dogmes rigides qui enchaînent le « croyant » à notre communauté. Dans ce domaine, nous sommes finalement très semblables aux Juifs. Pour eux, ce qu’ils croient, la manière dont ils conçoivent leur déité, ou même le fait qu’ils considèrent qu’elle existe ou non, n’a que peu à voir avec leur appartenance en bonne et due forme à leur religion. J’ai eu des étudiants qui demandaient comment on pouvait avoir une religion viable sans enfermer les adhérents dans un credo commun. Honnêtement, je n’ai pas de réponse, si ce n’est que les religions qui ont le plus grand temps d’existence au compteur n’ont pas eu besoin de ça.
Il est clair que le christianisme et l’islam ont gagné beaucoup d’influence en insistant sur les croyances exactes que chaque adhérent doit professer. L’hérésie continue d’être une frontière dangereuse que peu osent franchir. Cela dit, tous deux ont eu des courants plus libres qui prirent une voie moins dogmatiques ; après tout, au bout de deux millénaires on finit toujours par tomber sur des exceptions. J’en conclus que les différentes religions du monde utilisent divers éléments de la psyché humaine pour perpétuer leurs traditions et gonfler leurs rangs. Parfois ces mécanismes sont à l’exact opposé de ceux utilisés par une autre religion. Tandis que certaines prospèrent sur un credo strict, l’hindouisme [comme les autres religions traditionnelles] maintient une féroce liberté d’opinion qui permet à ses membres de penser par eux-mêmes… parfois jusqu’à l’athéisme, avec la bénédiction des sages.

Schéma simplifié des relations entre l'Univers, la conscience et l'individu selon l'école Samkhya (considérée comme

Schéma simplifié des relations entre l’Univers, la conscience et l’individu selon l’école Samkhya (considérée comme « orthodoxe ») : aucune divinité n’est présente

A peu près toutes les religions ont une sorte de système de sanctions. L’hindouisme en a clairement un [le « karma » ou Loi des Actes, qui lie les causes et les conséquences au niveau cosmique]. Mais « mal croire » ne vous fera pas perdre de points. Même l’athéisme, s’il est le résultat d’une véritable recherche religieuse et pas une simple forme de paresse intellectuelle, peut être considéré comme viable et noble. La Tradition Éternelle [comme les Hindous nomment leur religion] comporte beaucoup de moyens d’amoindrir son karma. Mais ils concernent de la même manière les « croyants » et les « incroyants ».
On nous fait souvent la prévisible boutade du « oh, alors en fait vous croyez juste en ce dont vous avez envie ». Non, si je croyais ce que je voulais je choisirais une voie vers la libération du cycle des réincarnations qui ressemblerait à, par exemple, une compilation de porno. En fait, je crois en ce dont je suis capable de croire sans trouver ça ridicule, idiot, ou biaisé ; bref, je crois en ce qui me fait progresser, pas régresser. Il y a des millions de personnes à travers le monde qui sont aux prises avec des doutes qu’ils ne peuvent pas aisément réduire au silence. Je suis sûr que parmi eux se trouvent bon nombre d’hindous ; mais je voudrais apporter une lueur d’espoir en indiquant que, en ce qui me concerne, la voie vers l’accomplissement de son potentiel spirituel passe par l’abandon des croyances simplistes qui ne résistent pas à un examen plus poussé. Une part de mon chemin spirituel est la remise en question continuelle des certitudes passées. Si une doctrine ne passe pas le test, je n’hésite pas à la ranger dans un tiroir avec une rapidité telle que ma femme rêve que je fasse de même avec le linge qui sort du sécheur.

Et, honnêtement, il n’y a aucune honte à admettre que sur certaines questions, je n’ai juste pas de réponse. Si vous êtes hindou [ou pratiquant d’une autre religion traditionnelle], je vous encourage à tirer parti de ce merveilleux aspect de votre Tradition. Soyez en paix avec le don du doute. Cependant, je vous souhaite d’éviter l’écueil du cynisme [dans le mauvais sens du terme]. Je crois que c’est ce que signifie notre mythe où le prince Arjuna demande conseil à Krishna à propos des hésitations dont il n’arrive pas à se défaire. C’est la clé : trouver le Tiers Chemin. Quelque part entre la foi aveugle et stupide, et le scepticisme obsessif qui nous empêche d’avancer et de faire des choix.
Sachez en tout cas que cela fait partie de notre héritage sacré que d’avoir la liberté de bâtir une spiritualité et une vision du monde basée sur la logique, ou l’intuition, ou la méthode scientifique, ou l’empirisme, ou le bon sens (ou n’importe quelle combinaison de ces éléments).

A propos de l’auteur : Fred Stellla a débuté sa recherche spirituelle au sein de la Tradition Hindoue à 15 ans, et a reçu diverses initiations au cours des 20 dernières années. Sa formation inclut des retraites dans des ashrams et des temples, aux États-Unis et en Inde.

Traduit à partir de : http://www.beliefnet.com/Faiths/Hinduism/Articles/When-Your-Faith-Isnt-Faith-Based.aspx

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