« Pour caractériser la disparition voulue du monde paysan, vous parlez d’ethnocide. Le terme n’est-il pas un peu fort ?
– Non. Il s’est bien agi de la destruction d’une culture, d’un monde, ou plutôt de mondes car il existait des sociétés paysannes/rurales diverses, contrairement au modèle uniformisateur de la société urbaine, industrielle puis de services, dont la mondialisation néolibérale accélère l’installation aux quatre coins de la planète. Partout, sous l’effet de la disparition des paysans et du déploiement du capitalisme productiviste, la diversité recule, les paysages s’uniformisent, les formes de vie sociale se ressemblent, la pluralité et l’autonomie des cultures s’effacent, au profit d’un “Grand Tout” qui colonise et marchandise la moindre parcelle de terre, le moindre compartiment de nos vies. »
Le Comptoir : À la lecture de votre livre, on s’aperçoit que la paysannerie est loin d’être le seul sujet abordé. S’agit-il pour vous d’un fil rouge propice à la critique de la modernité dans son déploiement ?
Pierre Bitoun : Absolument. Ce que nous avons voulu faire, c’est nous défaire d’une démarche, inévitablement étroite, de spécialistes de l’agriculture pour tenter de réinscrire les problèmes dits de “politique agricole”‚ à l’intérieur d’un questionnement d’ensemble sur les raisons anthropologiques, techniques, économiques, sociales ou politiques…
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Des os et débats