Archives mensuelles : décembre 2020

Le paganisme celtique du Barzhaz Breizh (I : les serments)

Le Barzhaz Breizh (« bardit de Bretagne ») est un recueil de chants bretons collectés au XIXe siècle par le marquis Théodore Hersart de la Villemarqué (Kervarker, en breton). L’authenticité de ces chants a longtemps été mise en doute, polémique entretenue par le fait que le marquis, vexé, avait refusé de montrer ses carnets de collectage. La thèse doctorale de Donatien Laurent, spécialiste de la littérature orale bretonne ayant eu accès aux fameux carnets grâce à l’arrière-petit-fils de Théodore, a tranché la question. Ce sont des chants authentiques, qui semblent simplement avoir été compilés et corrigés en assemblant plusieurs versions incomplètes.

Outre leurs qualités poétiques et musicales (louées par Georges Sand et par le mouvement culturel breton), on y trouve de nombreux exemples de ce qui semble être des survivances du paganisme celtique des Bretons de l’Antiquité : hymnes rituels, voeux, serments sacrés, prophéties, fragments de mythes, recommandations de bon comportement avec les génies locaux, etc.

Le Barzhaz Breizh, édition Coop Breizh.

Chacune de ces catégories fera l’objet d’un article à part. Commençons aujourd’hui avec les serments. Pour rappel, la parole donnée est un des fondements indispensables des religions et des sociétés celtiques païennes (comme c’est le cas, plus largement, dans l’ensemble du monde indo-européen païen). Le serment est ce qui fonde toute relation harmonieuse entre les personnes et entre les communautés. Le parjure se diminue donc lui-même, en détruisant son honneur et sa parole, c’est-à-dire la force sacrée qui l’habite… Mais, pire encore, en créant le doute par rapport à la valeur des serments, il fragilise aussi la société et l’ordre cosmique tout entier, en les faisant retourner vers le chaos primordial, avant que celui-ci ne soit organisé par les dieux des Celtes. Tout serment a donc une valeur sacrée dans la religion celtique.

Venons-en à présent aux chants du Barzhaz Breizh qui contiennent de tels serments. Ils sont au nombre de deux : « le tribut de Nominoé » (Drouk-kinnig Nevenoe) et « le Faucon » (ar Falc’hun).

Drouk-kinnig Nevenoe, chanté par Yann-Fañch Kemener avec l’accent du pays vannetais

Premier extrait : Le tribut de Nominoé (II, §21-22). « Je le jure par la tête de ce sanglier, et par la flèche qui l’a percé ; avant que je lave le sang de ma main droite, j’aurai lavé la plaie du pays ! » (Me hen toue penn ar gouez-mañ, / Hag ar saezh a flemmaz anezhañ, / Kent ma gwalc’hin gwad va dorn dehoù, / Am bo gwalc’het gouli ar vro !)

=> Ce chant a pour contexte la Bretagne du IXe siècle. Les chefs bretons avaient accepté de verser à l’empereur franc Charlemagne un tribut annuel en pièces d’or, en échange du maintien de leur indépendance. Sous le règne de son descendant Charles le Chauve, un noble breton nommé Nominoé (Nevenoe) est chargé d’empêcher les raids de guerriers bretons contre les territoires francs, et de veiller au bon paiement du tribut annuel. Il acquiert donc un certain pouvoir en Bretagne, prenant le titre de comte des Bretons. Une année, Karo, le fils d’un ozac’h meur (chef de clan) des Monts d’Arrée, va porter le tribut dans la ville de Rennes, mais le poids d’or n’y est pas, et l’intendant franc lui coupe la tête pour « faire le poids ». Le vieux père de Karo est fou de douleur, et se présente dans la demeure de Nominoé, réclamant vengeance pour ce crime. Nominoé rentre à ce moment de la chasse, une tête de sanglier à la main, et prononce ces mots. Ayant tenu « ce serment terrible et sanglant » et « lavé la plaie du pays » en menant une guerre victorieuse pour chasser les Francs, il deviendra le premier roi de toute la Bretagne armoricaine, et sera surnommé Tad ar Vro, le Père de la Patrie.

D’une certaine manière, c’est le fait d’avoir démontré la valeur de sa parole qui lui a permis, en prouvant et en augmentant la force sacrée qui l’habitait, de devenir le pilier d’un nouvel ordre social dont il a garanti et incarné l’harmonie et la robustesse… comme le faisaient les rois celtes païens de l’Antiquité. De la même manière, ceux qui veulent aujourd’hui faire renaître les traditions celtiques devront s’appuyer sur la valeur sacrée du serment pour structurer leurs communautés, car sans communautés les rites ancestraux n’ont ni sens ni valeur. Tout particulièrement, il est vital que des meneurs engagent leur personne et leur force sacrée en proclamant publiquement leur volonté d’accomplir des faits dignes de louange, et surtout en réalisant concrètement ces projets. C’est de cette manière qu’ils pourront être de véritables « piliers de la communauté », et faire rayonner pleinement le potentiel de notre religion celtique, qui est de relier à la fois les humains aux dieux et les humains entre eux.

Nominoé prête serment. Illustration de John Tenniel pour Ballads of Britanny (1865).

Deuxième extrait : Le faucon (v. 23-24 et 33-36). « Je ne payerai pas, je le jure par les charbons rouges de ce feu, par saint Cado et par saint Jean ! […] – Avant le jour ils auront querelle et bataille ! Nous le jurons par la mer et la tonnerre ! Nous le jurons par la lune et les étoiles ! Nous le jurons par le Ciel et la Terre ! » (Na rin ket m’hen toue ruz-glaou-tan, / Sant Kadoù kerkoulz ha Sant Yann ! […] – Kent an deiz kavfont trouz ha kann, / Nini hen toue mor ha taran ! / Nini hen toue stered ha loar ! / Nini hen toue neñv ha douar !)

=> Ce chant a pour contexte la Bretagne du XIe siècle. L’intendant du royaume, un Normand nommé par Edwige de Normandie (veuve du duc Geoffroi Ier de Bretagne et soeur du duc Richard de Normandie), a levé des taxes injustes et contraires à la coutume, affamant le peuple breton pour s’enrichir. Les paysans, outrés par cet affront à la tradition et bien décidés à ne pas laisser leurs familles mourir de faim, se soulèvent avec une violence telle qu’un édit ducal encadrera sévèrement les modalités de fixation et de collecte des taxes. Ces libertés concrètes du peuple breton seront âprement défendues par la suite, jusque dans les termes négociés par la duchesse Anne de Bretagne au moment de l’union du duché de Bretagne et du royaume de France. Le non-respect de ces clauses par Louis XIV provoqua la première révolte des Bonnets Rouges en 1675. Lorsque le régime républicain refusa de les reconnaître, les considérant comme des « privilèges », le peuple breton prit à nouveau les armes, lors de la longue guérilla de la Chouannerie (1791-1805, avec des actions ponctuelles jusqu’en 1813, et de nouvelles insurrections en 1815 et 1832). C’est aussi le non-respect de ce principe qui sera la cause de la deuxième révolte des Bonnets Rouges en 2013-2014, aboutissant au retrait de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, dite « éco-taxe », qui avait été imposée sans consultation du peuple breton.

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« Ar Bonedoù Ruz », une pièce écrite par Goulc’han Kervella pour le théâtre Ar Vro Bagan

Pour revenir au serment en question : il concerne donc des paysans luttant pour leurs coutumes ancestrales et la survie de leurs familles. La victoire est à portée de main, mais seulement si tous s’unissent pour prendre les armes, et si personne ne fait défaut en rentrant chez lui face aux hommes d’armes envoyés pour les mater. En prêtant serment, ils s’engagent donc à ne pas trahir leurs compagnons de lutte, et créent une confiance mutuelle basée sur un lien sacré qui les rend invincibles. Les éléments (la mer et le tonnerre, la lune et les étoiles, le ciel et la terre) sont invoqués de manière poétique et saisissante, comme dans un serment païen de l’ancien temps, par exemple dans ce serment irlandais, ou dans le serment des jeunes éphèbes athéniens qui s’engageaient à défendre la terre de leurs pères, les armes à la main (condition indispensable de la citoyenneté, donc de la démocratie).

Sont invoqués aussi dans ce serment : Saint Cado, Saint Jean, et les braises du feu autour duquel les paysans sont assemblés dans la nuit. Saint Cado (vieux-breton Catuog, qui signifie « le combatif ») est le saint patron des lutteurs ; d’ailleurs son pardon, sa fête annuelle, célébrée à Gouenac’h aux alentours de l’équinoxe d’automne, comporte un tournoi de lutte traditionnelle bretonne (gouren). Quant à Saint Jean, il est fêté au moment du solstice d’été par un grand feu de joie (tantad, littéralement « feu-père »), apparenté au feu sacré irlandais de Bealtaine ou à un autre rite spécifique au solstice d’été. Le serment, prononcé sur ce feu sacré rassembleur, place donc ceux qui le prêtent en lien intime à la fois avec les forces cosmiques (mer et tonnerre, lune et étoiles, ciel et terre) et avec leurs camarades de lutte. Jusqu’à ce que la tradition soit rétablie dans son bon droit, jusqu’à ce que l’ordre social redevienne aussi harmonieux que l’ordre naturel dans lequel il doit se placer.

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Tournoi de la Saint Cadou (2013), rituel de la prestation de serment. Photographie : Eric Legret.

Pour conclure, rappelons-nous que, puisque le temps des serments sacrés et héroïque n’a pas cessé à la christianisation mais a perduré pendant tout le Moyen-Âge, il peut donc perdurer aussi ici et maintenant – à condition que nous prenions notre destinée en main, pour aligner nos actes à nos paroles, et nos paroles à nos pensées. Bretons, Celtes, Européens : le temps des serments n’appartient pas au passé ! Il appartient à ce que la tradition a de plus sacré, à ce qui ne passe jamaispour peu que nous ayons le courage d’être des hommes et des femmes dignes de nom.

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Kroaz Du (étendard médiéval de la nation bretonne) pavoisé aux abords d’un tantad (feu de la Saint Jean).
Crédit photo : Kadmael ar Bleiz.

(pour comparaison, des exemples de serments en vieil irlandais : https://www.sengoidelc.com/category/oaths/)

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Renouveau du paganisme scythe chez les Ossètes du Caucase

Cet article est une compilation d’extraits traduits de « Scythian Neo-Paganism in the Caucasus: The Ossetian Uatsdin as a Nature Religion », une publication de Richard Foltz (université de Montréal), spécialiste de l’ethnologie religieuse dans le Caucase.

Les Scythes étaient un peuple de guerriers et d’éleveurs nomades, de langue indo-européenne (iranienne), qui ont dominé les steppes eurasiennes tout au long du premier millénaire avant notre ère, entre l’actuelle Ukraine et les frontières de l’actuelle République Populaire de Chine. Une de leurs branches, les Alains, ont à la fois servi et combattu l’empire romain, certains d’entre eux allant jusqu’en Gaule. Ils nous sont connus à travers les récits d’Hérodote et d’autres écrivains grecs de l’Antiquité. La langue des Scythes et nombre de leurs coutumes culturelles survivent aujourd’hui chez les Ossètes du Caucase central, à cheval entre la Fédération de Russie et la Géorgie. Une tentative de faire revivre leur ancienne religion est en cours depuis la chute de l’Union soviétique en 1991.

La religion ossète est généralement considérée comme ayant suivi l’évolution historique suivante :

1) Un paganisme original scythe – c’est-à-dire de type iranien archaïque, proche des autres paganismes indo-européens,
2) Christianisation superficielle sous l’influence byzantine (et géorgienne) entre le Xe et le XIIIe siècle,

3) Une « re-paganisation », au cours des XIVe et XVe siècles, en raison de l’interruption des contacts avec Byzance à la suite des invasions mongoles,

4) Une « re-christianisation » partielle au cours des XVIe et XVIIe siècles à cause des missionnaires de Géorgie,

5) Une autre re-christianisation par les missionnaires russes à partir de la fin du XVIIIe siècle

6) Un athéisme imposé à une population encore superficiellement christianisée, pendant toute la période soviétique de 1920 à 1991,

7) Une « résurgence du paganisme ossète traditionnel », qui a été renommé Ætsæg Din et maintenant plus populairement l’Uatsdin, signifiant la « vraie » ou « sainte » religion, de la fin des années 80 à nos jours.

Une proportion importante de la population – peut-être 20 % – est tombée sous l’emprise de l’islam à travers des contacts avec ses voisins. Mais en fait, la vie rituelle populaire des Ossètes « musulmans » et « chrétiens » est à bien des égards identique. De nombreuses divinités ossètes les plus importantes portent des noms dérivés de ceux des saints chrétiens et ne conservent pas directement leurs appellations iraniennes originales.

Le titre du dieu créateur suprême, Khuytsauty Khuytsau («Dieu de tous les dieux»), est entièrement iranien. Kurdalægon, le forgeron céleste (la forge étant une activité vitale pour les Ossètes prémodernes et leurs ancêtres guerriers les Alains), est également une figure iranienne facilement reconnaissable. Son nom signifie « le forgeron aryen, Wærgon (loup) », et son analogue Kaveh / Kawa est bien connu dans les traditions mythologiques perses et kurdes.

Le calendrier annuel ossète est rempli de rituels et de célébrations populaires, dont certains sont exécutés à la maison par la famille immédiate et d’autres dans des espaces extérieurs sacrés pour la communauté au sens large. Les rituels domestiques sont généralement centrés sur la chaîne du foyer (safa), par laquelle un chaudron est suspendu au plafond au-dessus d’un feu (rappelez-vous que le feu est l’un des éléments sacrés de la tradition indo-iranienne et qu’il est considéré comme une divinité dans l’hindouisme et le zoroastrisme). Les cérémonies communautaires, par contre, ont tendance à être dans des bosquets sacrés ou au sommets de collines, où il y a généralement un sanctuaire, généralement construit en bois mais parfois en pierre. Il y a au moins soixante de ces célébrations fixes organisées tout au long de l’année (pour une liste complète, voir Tuayev 2018: 260-63, suivi par de brèves descriptions aux pages 264-347).

Sanctuaire ossète d’Usanet

Les rituels ossètes consistent en premier lieu à organiser une fête (fyng ou kuvyn) en l’honneur d’une divinité particulière. La cérémonie est dirigée par un homme désigné pour diriger l’occasion, appelé Dzuary Læg ou « saint homme », car il n’y a pas de prêtres professionnels. Son rôle est d’invoquer la divinité à travers l’offrande d’un toast, appelé kuyvd (libation), qui signifie également « prière ». En d’autres termes, pour Ossètes, la forme essentielle de la prière est celle de porter un toast vers le ciel à la divinité. La bière est la boisson habituelle offerte, bien qu’elle puisse être remplacée par divers types d’alcools forts. Des toasts à diverses divinités continuent d’être faits tout au long de la fête qui s’ensuit, au cours de laquelle trois tartes au fromage de cérémonie (ualibakh) sont consommées avec de la viande d’un animal sacrifié pour l’occasion. Il est intéressant de noter que les anthropologues russes ont remarqué aussi tard que le début du XXe siècle que les sacrifices animaux et les prises augures rituels continuaient à être pratiqués sur des dalles de pierre adjacentes aux églises chrétiennes, selon des procédures présumées préchrétiennes extrêmement archaïques (Arzhantseva 2002 : 24-25).

Les cérémonies communautaires en Ossétie sont également généralement accompagnées d’une forme de danse connue sous le nom de simd, qui se déroule à l’extérieur dans un espace naturel spécialement aménagé à cet effet. Bien que cette danse puisse prendre diverses formes, elle est généralement exécutée en cercle. Une version particulièrement distinctive est formée par un anneau de danseurs debout sur les épaules d’un autre anneau de danseurs, constituant une sorte de troupe de danse à deux étages, ce qui est très impressionnant à voir.

La danse ossète traditionnelle, nommée simd

La religion ethnique ossète a officiellment été nommée Ætsæg Din par un groupe d’intellectuels nationalistes, qui ont formé un groupe de pilotage culturel appelé Styr Nykhas (« Grand Conseil ») au début des années 1990. «Ætsæg», qui signifie « véridique », et est le nom de l’un des clans fondateurs du peuple ossète dans la saga des Nartes, un texte désormais pris par certains Ossètes comme une référence pour les normes culturelles traditionnelles. L’érudit français Georges Dumézil, figure majeure de études indo-européennes, a reconnu dans la saga des Nartes des motifs indo-iraniens païens très primitifs, précieux pour le comparatisme indo-européen et donc pour la reconstruction des traditions indo-européennes archaïques. «Din» est la forme ossète d’un ancien nom iranien pour l’incarnation divine des qualités morales d’une personne, Daena, qui a maintenant le sens général de « religion ». Craignant que le terme « Ætsæg Din » n’ait des implications de vérité universelle qui pourraient offenser les chrétiens et les musulmans, le linguiste ossète Tamerlan Kambolov a inventé en 2010 la désignation alternative Uatsdin (« religion sacrée »), qui est désormais le terme le plus couramment utilisé pour désigner la religion.

Au début des années 1990, à environ 30 kilomètres à l’ouest de la capitale Vladikavkaz, un espace rituel a été consacré par le gouvernement d’Ossétie du Nord – à côté d’un bosquet sacré où le légendaire héros ossète Khetag aurait trouvé refuge contre ses ennemis. Depuis 1994, une cérémonie annuelle officielle, centrée autour d’un sacrifice animal, y est organisée. Les dirigeants politiques et communautaires profitent fréquemment de l’occasion pour faire des discours nationalistes (Shnirel’man 2002: 204-205). Manger de la viande est considéré comme un élément essentiel de la cérémonie, avec des toasts aux dieux et des danses. Le festival a lieu en juillet et rend hommage à la principale divinité ossète, Uastyrdhzi, qui, selon la légende, aurait sauvé Khetag de ses poursuivants. Il s’agit de la plus grande célébration publique annuelle de la République d’Ossétie du Nord-Alanie, attirant des milliers de participants chaque année. Le rassemblement annuel tenu en l’honneur d’Uastyrdzhi au Rekom (sanctuaire dans la vallée de Tsey, près de la frontière avec l’Ossétie du Sud), a également vu un certain degré de participation du gouvernement (Foltz 2020).

Ruslan Kuchiev, le directeur du Grand Conseil, préfère éviter le terme de religion, affirmant que ce que l’Uatsdin défend n’est rien de plus que d’anciennes valeurs et traditions rituelles ossètes, qui sont incarnés dans le code social connu sous le nom de iron æghdaw (« tradition ossète »,iron étant un dérivé de Ârya). En ce sens, il considère que la majorité des Ossètes peuvent être considérés comme des pratiquants, car beaucoup pratiquent et respectent ces rituels et valeurs, même en s’identifiant extérieurement comme chrétiens ou musulmans. Il estime que la jeunesse d’Ossète montre un intérêt grandissant pour les principes et les pratiques de l’iron æghdaw.

Précisément parce que les frontières entre la tradition ossète et les religions abrahamiques importées est souvent très fluide, le mouvement Uatsdin a suscité de vives condamnations et des plaintes officielles de la part des dirigeants chrétiens et musulmans d’Ossétie. Même l’archevêque orthodoxe russe de Moscou, Leonidas, a cherché à les faire taire en essayant de interdire les livres de Makeyev en tant que « littérature extrémiste », allant jusqu’à faire appel à ses contacts personnels datant de l’époque où il était membre des services secrets de l’État russe, le FSB. Les dirigeants de l’Église orthodoxe russe ont également essayé de faire construire une église orthodoxe site du sanctuaire de Rekom dans l’espoir d’y attirer les pélerins, mais cet effort n’a jusqu’à présent pas rencontré de succès. De telles attaques ne semblent pas avoir diminué l’attachement que les Ossètes ordinaires semblent ressentir pour leurs anciennes traditions fondées sur la nature. A première vue, le niveau de participation populaire aux « rituels folkloriques » dans toutes les régions d’Ossétie dépasse largement celui que l’on observe dans les églises et les mosquées. Cela semble suggérer que le néopaganisme ossète connaît peut-être un niveau de succès inégalé dans le monde aujourd’hui. Ce que cela laisse présager pour la société ossète et pour les mouvements néo-païens en général reste à voir.

Bibliographie :

Arzhantseva, I. 2002. ‘The Christianization of the North Caucasus’, in W. Seibt (ed.), Die Christianisierung des Kaukasus (Vienna: VOAW): 17-36.

Foltz, R. 2020. ‘The Rekom Shrine in North Ossetia-Alania and its Annual Ceremony’, Iran and the Caucasus, 24.1

Shnirel’man, V.A. 2002. ‘“Christians! Go Home!”: A Revival of Neo-Paganism between the Baltic Sea and Transcaucasia (An Overview)’, Journal of Contemporary Religion 17: 197–211. Doi: https://doi.org/10.1080/ 13537900220125181.

Tuayev, R.G. 2018. Obychai Osetin/Iron Æg’dæwttæ (Vladikavkaz: Respekt).

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