Archives mensuelles : février 2016

Les vraies caractéristiques de la spiritualité germanique résurgente (B. Linzie)

Traduction de la partie 4.4 de l’essai « Germanic spirituality » de Bil Linzie, un des théoriciens et premiers pratiquants du reconstructionnisme germano-scandinave aux Etats-Unis. Vous pouvez trouver un résumé de cet essai de 50 pages, et un lien pour le télécharger en entier dans sa version originale en anglais, ici, la traduction de l’introduction , et la traduction des parties 4.1 , 4.2 et 4.3 en cliquant dessus.

Recréer la vision du monde germanique, et la conscience du réseau de relations que cela implique, est un projet auquel s’attèlent en ce moment même un grand nombre de personnes et même quelques groupes. Aujourd’hui, et encore davantage à l’avenir, ces gens seront traités comme des « intégristes » par la plupart… mais pourtant, ils continuent à progresser dans leur démarche, et deviennent même de plus en plus nombreux. D’autres, qui se sont « convertis à l’Asatru » dans le seul but de justifier et promouvoir des opinions politiques basées sur la ségrégation ou le suprémacisme blanc, ont aussi beaucoup de reproches à faire à ceux qu’ils qualifient de « fondamentalistes » ou de « passéistes », mais les deux principaux sont ceux-ci : 1) une absence de dogmatisme, qui pousse les reconstructionnistes à remettre en question toutes les idées qu’on leur propose, en particulier des théories archéologiques dépassées ou pseudo-scientifiques, 2) un refus de blâmer les « autres » (en particulier « les autres races ») pour tous les problèmes du monde. Quoi qu’il en soit, la résurgence de la spiritualité germanique a commencé, et son retour sera inéluctable tant qu’aux moins certains refuseront de dévier le cap dans l’une ou l’autre des directions.

Sachant que la culture, et en particulier le contexte culturel général, est parmi les premières choses qu’un enfant apprenne dans sa vie, il pourrait être prudent que ce soit aussi la première chose qu’on recommande aux nouveaux adhérents. A l’heure actuelle, dans la plupart des groupes et associations, apprendre comment participer à (puis mener) un blot et un symbel est la priorité n°1, tandis que les aspects culturels sont considérés comme peu importants, et se limitent à des éléments en pièces détachées (tel ou tel mythe, tel ou tel fait historique, etc) plutôt que de s’intéresser à la vision du monde globale qui relie ces éléments et les a même façonnés. Si c’était le cas, l’Asatru ne serait plus sujet à des emprunts constants (comme nous l’avons vu précédemment), et la plupart des emprunts datant de la période d’indifférenciation avec la Wicca auraient déjà été mis de côté. On l’a dit ci-dessus, la cérémonie religieuse est une expression de la culture dans un contexte donné : la spiritualité germanique consiste à avoir le bon comportement dans ce même contexte, donc il semblerait raisonnable que la compréhension de la culture précède tout cela.

La spiritualité, donc, est ce qui détermine les expressions de la religion. C’est par l’interaction avec les communautés et familles concernées que les éléments acquièrent un sens, et ces éléments sont alors ce qui permet à la religion de s’exprimer. Tracer un cercle magique façon Wicca au début d’un blot n’a aucun sens dans notre culture, autre que celui d’être un élément emprunté et étranger. D’un autre côté, l’auteur connaît un seidhman [NdT : un pratiquant du seidhr, une forme de magie germanique] qui pratique des cérémonies de soins où il utilise un lasso, qu’il a trouvé par terre lors d’une de ses longues expéditions dans le désert où il ramasse ses herbes médicinales. Il dit que le lasso aide à protéger et maintenir en place l’esprit du patient pendant qu’il est soigné. La communauté où cette pratique a lieu est située dans le Sud-Ouest des Etats-Unis, où il est encore courant de faire un cercle de corde autour des dormeurs pour empêcher les serpents à sonnette d’approcher. Cette corde, parce qu’elle est utilisée de cette manière, dans cette communauté, et parce que le guérisseur l’a trouvée de cette manière, a acquis un sens – parce qu’elle s’intègre et interagit réellement avec le contexte culturel du groupe. C’est tout à fait normal que des groupes Asatru de Hawaii ou de Floride [NdT : ou de France] « acquièrent » ainsi localement des plantes, des fruits, des animaux, des poissons, et ainsi de suite, d’une manière similaire.

Quelle est la différence entre « acquérir » et « emprunter », alors ? Une des justifications favorites des adeptes du New Age accusés de bidouiller avec l’Asatru est : « Bah, si l’Asatru avait survécu de manière ininterrompue au fil des siècles, il aurait évolué aussi ! ». Le problème avec cet argument est pourtant évident. La personne est accusée de prendre un élément qui a un sens bien particulier dans un contexte donné, et de le transférer tel quel dans un autre contexte où il n’a aucun sens. Les mots clés sont « évoluer » et « adapter ». Ces deux mots sous-entendent que les éléments ont acquis un sens en interagissant avec l’Asatru. Prendre des éléments d’une cérémonie et les faire entrer par effraction dans un contexte germanique revient à court-circuiter complètement les processus de mise en contact, d’interaction, puis d’intégration, qui auraient eu lieu si cela s’était produit de manière naturelle. L’imitation n’est pas beaucoup mieux. La culture, dans une situation d’emprunt, s’exprime forcément d’une manière ou d’une autre en influençant lourdement les personnes aux commandes, de sorte que cela donne quasi-systématiquement de la Wicca superficiellement scandinavisée, ou du christianisme superficiellement scandinavisé, ou du bouddhisme superficiellement scandinavisé, etc. Quand c’est le cas, le processus de reconstruction devient impossible, est purement et simplement remplacé par un processus d’homogénisation avec les modes religieuses du moment [NdT : sous couvert, comme on l’a vu, d’être une « interprétation personnelle », puisque les envies et besoins de la personne prennent source dans un imaginaire intégré à la culture dominante].

Si l’Asatru, en tant que religion résurgente, veut continuer à assumer son destin propre plutôt que d’être un satellite du New Age, ses membres devront avoir des limites claires entre ce qui est Asatru et ce qui ne l’est pas. On devra nécessairement formuler des jugements, et, comme par le passé, passer outre les sentiments de certaines personnes. Les pratiquants, comme ceux des religions traditionnelles amérindiennes, devront sûrement un jour refuser la présence de certaines personnes qui voudront seulement imiter et s’approprier certains aspects sans jamais essayer de comprendre quoi que ce soit hors de leur cadre de pensée. Mais ils devront aussi commencer à remettre en question tout ce qui a été emprunté de manière non-pertinente (pratiques, formules, objets, idées), et prendre la décision de revenir sur ces emprunts, sans hésiter à écarter ce qui est clairement incompatible. Pour guider ces nécessaires débats, voici une proposition de neuf lignes de conduite :

  1. Accepter que l’Ásatrú en tant que vision du monde est probablement complète (même si pas encore totalement bien interprétée) et se tient à elle seule.
    2. Accepter que l’Ásatrú en tant que religion est l’expression de la culture sous-jacente.
    3. La spiritualité Ásatrú est fondée sur une interaction avec le monde réel d’une façon qui conforte le bien-être de la famille et de la communauté.
    4. « La récompense finale » [après la mort] est directement liée aux souvenirs qu’on laisse derrière soi après sa mort.
    5. La famille est la plus petite unité définie dans l’Ásatrú. L’individualisme radical est un concept à la fois étranger et moderne.
    6. La communauté géographique est la dernière ligne de défense pour la famille et, même si elle est « mixte », elle toujours être traitée avec respect.
    7. La terre sur laquelle repose la communauté géographique est sacrée.
    8. La communauté est naturellement divisée en trois classes et chacune des classes doit honorer (‘worship’ ) de façon appropriée – la prière individuelle adressée directement aux dieux est un emprunt à la chrétienté fait il y a mille ans. Les Ancêtres, les Esprits du terroir, les Esprits de la demeure, doivent retrouver leur juste place [NdT : de premiers interlocuteurs et, si besoin, d’intermédiaires].
    9. Il faut développer de nouvelles acquisitions :
    – qui ont une signification locale,
    – qui ne sont pas empruntées telles qu’elles à une autre vision du monde,
    – qui sont cohérentes avec la vision germanique du monde.
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Deux textes authentiques sur l’oracle runique

Sur internet, la divination runique est le royaume des fantaisies personnelles et de l’ésotérisme judéo-chrétien. Le prétexte en est bien souvent que, comme « on a aucune source écrite », il faudrait soit 1) tout réinventer, soit 2) faire confiance aveuglément à des gourous, qui descendraient d’une lignée de sorcières top secrète, ou auraient une révélation cosmique (et souvent des bouquins à vendre, qui comme par hasard correspondent parfaitement aux attentes consuméristes du public visé). Naturellement, cela ouvre la porte aux sceptiques, qui s’appuient sur quelques universistaires hyper-critiques pour dire que la divination runique est une fumisterie qui n’a jamais existé.

Par chance, nous disposons de quelques textes authentiques sur l’oracle runique dans les traditions germano-scandinaves. Le premier exemple est de Tacite, auteur romain du Ier siècle qui décrit les coutumes des Germains.

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Une interprétation contemporaine par Aranna Renard

« [Les Germains] sont parmi ceux qui accordent le plus d’attention aux auspices et aux oracles. Leur coutume en matière d’oracles est très simple : ils découpent en baguettes un rameau coupé à un arbre fruitier, et ils les jettent, marquées de certains signes, pêle-mêle et au hasard, sur une étoffe blanche. Tout de suite après, le prêtre de la communauté si c’est une consultation publique, mais le père de famille lui-même si c’est une affaire privée, en priant les Dieux et en regardant le ciel, en lève trois, une par une, et les interprète après les avoir soulevées, en conformité avec le signe dont elles ont été marquées précédemment. En cas de réponse négative, aucune consultation le même jour sur la même affaire ; mais en cas de réponse positive, la garantie des auspices est également exigée. Car cela aussi est connu ici : interroger les voix des oiseaux et leurs manières de voler. »

Tacite, la Germanie, X (trad. du Chat Poron, d’après Doneau, 1911 ; J.-L. Burnouf, 1859, les Editions du Porte-Glaive, 1990 ; et New Northvegr Center, 2015).

Ensuite, concernant le fait de discuter à tort et à travers de ce type de pratiques ésotériques, et de monnayer ces informations sur internet (quelle que soit par ailleurs la qualité de ces informations), l’avis d’Odin à ce sujet nous est bien connu :

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Odin (Lindby, ère viking)

« Quand tu as essayé
De suivre la trace des runes,
Celles que les puissances suprêmes
Firent pour leur famille divine
Et qu’a colorées l’Immense Chantre [Óðinn],
Il vaut mieux rester silencieux. »

Hávamál, §80 (trad. du Chat Poron, d’après H.A. Bellows, B. Thorpe, et Y. Kodratoff)

C’est cette strophe qui sera la ligne directrice du blog en matière d’articles sur les runes. Le commentaire d’Yves Kodratoff à ce sujet est d’ailleurs plein de bon sens :

« Cela ne contredit-il pas l’autorisation de transmettre des connaissances ? Non, parce qu’il y a d’autres façons que verbales de transmettre des connaissances et ces autres modes de communication sont les plus sages. Vous allez me dire que j’ai fait un livre sur les runes, moi aussi. Si vous le lisez, vous verrez que je me contente de rétablir des connaissances qui ont été étouffées par l’immense brouhaha qui accompagne maintenant l’usage des runes. Je ne dis jamais comment les utiliser, ce qu’on me reproche, mais vous connaissez maintenant la raison de ma discrétion.« 

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Païens « identitaires » et « universalistes » : un point de vue traditionnel

« Universaliste » ou « identitaire«  ? La question inquisitrice semble devenue incontournable dans le néopaganisme américain, et se répandre en Europe – sans même qu’on prennne le temps de savoir si tout le monde est d’accord sur la définition de ces mots, et y compris dans un cadre se voulant apolitique. Voici donc le point de vue de Robert L. Schreiwer, responsable de l’Urglaawe (« antique croyance », communauté païenne tribaliste, basée sur l’héritage des Deitsch, les Germano-américains de Pennsylvanie). Il est également cadre de l’association américaine The Troth (principale association Asatru du pays ne se revendiquant pas comme identitaire) et rédacteur à Wild Hunt (site d’information païen fortement engagé contre les discriminations raciales).

 

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Robert L. Schreiwer, responsable religieux Deitsch

C’est un débat que j’essaye fermement d’empêcher de contaminer l’Urglaawe. Partout où il passe, la division s’ensuit, et les extrêmes mènent la danse. Nous avons notre propre coutume et notre propre chemin, issu de la réalité engendrée par les premiers migrants allemands qui passèrent d’un continent à l’autre et commencèrent à interagir, échanger, et parfois se métisser avec des tribus indigènes, et aussi avec des colons gallois. Nous définissons nos communautés sur la base de valeurs partagées, de l’amitié, et du frith [NdT : terme intraduisible dans les langues latines, mais qui correspond à l’harmonie sociale conformément à la tradition]. Notre point de vue est celui de la culture germano-américaine, mais il n’est pas besoin d’être un Germano-américain pour prendre part à la communauté de l’Uglaawe. Nous ne  sommes, également, pas « universalistes », parce qu’il y a beaucoup de gens (de toutes les origines ethniques) qui ne sont pas prêts à se séparer du point de vue monothéiste.

La sagesse semble être, pour éviter des conflits internes qui ne font qu’encourager à la radicalisation de chaque camp, écraser le débat (syndrome de la « barricade à deux côtés »), et mener à des exclusions à tout va, de suivre ce tiers chemin.

Nos traditions païennes, parce qu’elles sont basées sur une pratique commune et pas sur une pensée commune, nous permettent de faire vivre ensemble nos coutumes sans partager les mêmes opinions politiques. Parce qu’il y a trop à faire pour perdre du temps en chamailleries : bâtir à nouveau des sanctuaires, restaurer nos grandes fêtes sacrées avec leurs danses et leurs jeux, faire vivre les valeurs fondamentales que sont la protection de la Nature, les lois de l’hospitalité, et le respect de la parole donnée.

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Autel Deitsch à Frau Holle, avec un Irminsûl, la forme germanique de l’Arbre-Monde Yggdrasill (source : The Troth)

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Pour ne pas perdre la tête, le retour aux sources !

Imbolc est une fête liée aux sources sacrées, vénérées depuis les temps anciens et intégrées dans le christianisme celtique. Le même phénomène s’est produit pour divers éléments des récits époques païens, qu’on retrouve dans les textes médiévaux du cycle arthurien.

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Source sacrée de Cefn Meiriadog (Pays de Galles)

Sire Gauvain et le Chevalier vert est un roman chevaleresque de la fin du XIVe. Anonyme, il raconte l’histoire d’un chevalier du roi Arthur, Gauvain, portant pour écu le pentacle magique. Au détour d’un chemin, il rencontre un étrange chevalier à l’armure verte, qui lui propose un défi. Gauvain peut, s’il le veut, lui porter un coup de hache à condition qu’un an plus tard, si le chevalier vert a survécu, il lui rende le même coup. Gauvain accepte et décapite le chevalier vert d’un seul coup. Mais ce dernier se relève, ramasse sa tête et lui rappelle sa promesse. Commence alors pour le chevalier de la Table Ronde une errance semée d’aventures qui le conduira à se laisser frapper au cou par le chevalier vert, comme il l’avait juré un an plus tôt.

Cette histoire rappelle le code moral qui était celui des chevaliers, notamment leur courage et leur parole, mais les met également en garde contre leur absence de prudence et leur arrogance. Elle est surtout inspirée d’un thème de la mythologie celtique, qu’on retrouve par exemple dans le Festin de Briciu en Irlande, où un géant propose ce type de pacte à trois guerriers qui se disputent la part du héros à un festin. Alors que les deux autres se défilent, Cuchulainn insiste pour respecter sa promesse, même devant le refus du géant. Celui-ci l’épargne en le frappant de l’autre côté de la hache, et le consacre comme le plus grand héros d’Irlande, le faisant ainsi accéder à l’immortalité par le biais de la gloire éternelle.

A un moment de son voyage, le chevalier Gauvain s’arrête dans un lieu saint relatif à la décollation qu’il a promis de subir : la source de sainte Winefride. Cette dernière était une noble galloise décapitée en 660 pour avoir refusé les avances de Caradog, qui voulait l’épouser alors qu’elle voulait se faire nonne. Une source jaillit à l’endroit de son supplice, qui est encore un lieu saint de nos jours sous le nom de St Winefride’s Well, à Holywell, dans le Flintshire au Pays de Galles.

Source

A cet endroit est une chapelle, lieu de pèlerinage gallois depuis des temps immémoriaux. Une église y fut construite tôt au Moyen-âge, mais c’est de la fin du XVe s. que date le bâtiment que nous voyons ici. De style gothique, il entoure l’exsurgence de la source sacrée qui, dit-on, est reliée à celle de St Mary’s Well à Cefn Meiriadog, dans le Denbighshire au nord du Pays de Galles.

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Si la chapelle de ce dernier lieu saint est totalement ruinée, celle de St Winefride’s Well évoque une forêt dense protégeant la précieuse source. En effet, les piliers de la chapelle sont traités comme des troncs d’arbres aux branches écotées et les nervures de la voûte, comme les ramifications de leurs cîmes. C’est comme si la nature était devenue art en ce lieu où le paganisme celtique est devenu catholicisme.

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Contribution de la page facebook « L’Art occidental » : https://www.facebook.com/LArt-occidental-969668349746851/?fref=ts. Vous souhaitez vous aussi partager vos traditions et faire rejaillir notre plus longue mémoire ? N’hésitez pas à envoyer vos contributions par commentaire, mail à chatporon@hotmail.com, ou pigeon voyageur !

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Schieweschlawe : rite carnavalesque

Il s’agit d’une coutume alémanique très ancienne, qui se déroule le dimanche suivant le carnaval de Mardi Gras.

  • Une arabesque lumineuse

La fête du lancement des disques est restée extrêmement vivante à Offwiller à travers les siècles. Plusieurs semaines avant le carnaval, les préparatifs commencent. Jeunes gens, associations, villageois et conseillers municipaux ramassent du bois mort dans la forêt communale et le déposent dans une clairière qui domine le village (le «Schiewebarri»). Là, sept grandes pierres plates sont dressées de manière à former autant de tremplins dirigés vers la vallée.

Le jour venu, un grand feu est allumé dès l’après-midi. Au village, une atmosphère étrange, feutrée par la neige qui persiste encore en ce mois de février, indique que derrière les petits carreaux des fenêtres se réjouissent des personnes qui se livrent aux ultimes préparatifs de la fête.

A la tombée de la nuit, le ciel rougeoyant annonce le début des festivités. Les habitants sortent un à un des maisons. Tous se rendent à travers la forêt au Schiewebarri, en empruntant la rue de l’Eglise ou le sentier du « Monnesepel ». Les lanceurs portent en bandoulière des chapelets de disques. A la main, ils tiennent des bâtons flexibles de noisetier ou de châtaignier de 1,50 m de long environ.

Les disques en bois de hêtre d’un diamètre de 10 à 12 cm et percés au centre d’un trou de 1 cm, ont été achetés chez le menuisier du village. Mais il y a quelques années encore, chaque famille taillait ses propres disques dans des rondelles de bois de hêtres dont on amincissait les bords à coups de hachette. Le trou du centre était percé soit à la tarière, soit au fer rouge.

                   

Les disques, fixés solidement sur les bâtons, sont ensuite placés dans l’énorme bûcher. Le bord aminci s’enflamme. Le lanceur brandit ensuite le disque rougeoyant en le faisant tournoyer au-dessus de sa tête. Il s’approche d’une de ces tables de pierre. Après plusieurs moulinets, le disque est frappé avec dextérité contre la pierre : il rebondit en lançant des étincelles et le voilà parti dans l’air comme une étoile filante qui décrit une gracieuse courbe lumineuse vers la vallée. De nos jours, tous les villageois, sans distinction d’âge, participent à la fête. Quant aux visiteurs, ils ne se contentent pas de stimuler les autochtones mais cherchent eux aussi à éprouver leur talent. Car, bien entendu, il s’agit de lancer son disque avec adresse haut et loin et de lui faire suivre une trajectoire harmonieuse.

Les femmes restent pour la plupart spectatrices, mais n’en encouragent pas moins leurs compagnons par de joyeuses acclamations. Il y a les virtuoses qui envoient leurs disques avec une aisance nonchalante et recueillent des cris et des sifflements d’admiration. ais il y a aussi les maladroits qui expédient leur disque dans le mauvais sens, au beau milieu de la foule, et dont la malencontreuse performance est saluée par des huées et des rires.

Toute la veillée est ainsi rythmée par de petites émotions. Des étincelles voltigent sans cesse autour des gens, et quand une rafale de vent soulève les braises, c’est la fuite générale sous les arbres. La conscience d’un certain danger, ce brin d’excitation qui anime la fête, lui confère un charme saisissant. Cette fête offre souvent l’occasion de réunir la famille et d’inviter au spectacle les amateurs de folklore vivant. C’est aussi à cette occasion que sont dégustés dans chaque foyer les traditionnels beignets qui, par leur forme, rappellent les disques du Schieweschlawe.
  • Le Carnaval des paysans

Quel que soit le lieu où le lancement des disques était pratiqué, la date des festivités était toujours la même. Il s’agit du premier dimanche de Carême, appelé Carnaval des paysans ou Vieux carnaval. Il semble que ce fait soit en relation avec l’introduction du carême de quarante jours au Vème siècle. A partir du milieu du IVème siècle, on ne jeûnait plus les dimanches. Pour compléter le nombre de jours de jeûne, on avança alors le carême au mercredi des cendres. Les fêtes de printemps ou de Carnaval cessèrent donc à partir du dimanche Estomihi qui obtint le nom de « Herrenfâssenacht ». Mais la population tint ferme au dimanche Invocavit, sans doute parce que l’origine en était une fête païenne plus ancienne.

  • Une célébration de l’équinoxe du printemps

Cette tradition qui se pratiquait autrefois dans tous les villages situés sur la ligne des collines pré-vosgiennes, dans le Kochersberg et en Forêt Noire, s’était fixée précisément là où une éminence naturelle permettait à l’arabesque rougeoyante de rendre son plus bel effet.

Le document le plus ancien concernant le lancement de disque date du 4 mars 1090 et relate qu’un couvent a été incendié à Lorsch (Allemagne) par un disque enflammé lancé lors d’une fête d’équinoxe de printemps. Mais ses origines sont plus anciennes encore puisqu’un capitulaire de Charlemagne de 742 interdisait déjà de tels feux en raison des dangers qu’ils présentaient pour les habitations.

Certains admettent que la fête du lancement de disques enflammés correspond à une invention autonome remontant au Moyen-Age. D’autres voient dans cette coutume un reste de culte solaire de la Gaule antique où le Dieu soleil Vichnon était profondément vénéré. D’autres enfin pensent qu’il pourrait s’agir de survivances d’anciens rites. Nos ancêtres, dans leur vision du monde, voyaient deux forces qui s’affrontaient : le monde favorable de l’été et le monde hostile de l’hiver. Pour eux, c’était un éternel combat entre lumière et ténèbres, entre la vie et la mort. Les rites qu’ils pratiquaient tel le Schiewesclawe devaient favoriser les forces magiques ainsi que le réveil de la nature. Bien plus, les disques enflammés projetés dans la nuit devaient également chasser le froid de l’hiver et les mauvais esprits. Chaque lanceur formulait des vœux de prospérité pour la saison à venir.

En réussissant à lancer son disque haut et loin, on pensait s’attirer les faveurs des Dieux. La fête du lancement de disques enflammés célèbre l’équinoxe de printemps. A partir de cette date les journées commencent à être plus longues que les nuits. Dans la préhistoire, les Européens appelaient déjà la renaissance du soleil par toutes sortes de manifestations visuelles. Les villageois perpétuent ainsi une pratique issue de la nuit des temps. Comme leurs ancêtres, ils lancent vers la coupole céleste des centaines de petits soleils qui sont autant de lueurs d’espoirs, autant de prières pour un retour rapide du printemps.

  • Authenticité


L’originalité du lancement de disques enflammés aurait pu pousser la municipalité à donner une envergure commerciale à la fête. Mais sur ce point, les villageois sont unanimes : le Schieweschlawe doit rester authentique ! Aussi, les festivités ne sont entourées d’aucune publicité, d’aucun commerce, d’aucune attraction particulière. Le lancement des disques est pratiquée à la manière d’antan. Ainsi, c’est toujours dans le noir le plus total que les lanceurs montent à la clairière. Sur place, aucune boisson n’est vendue malgré la forte chaleur dégagée par le bûcher. C’est qu’autrefois, les familles venaient sur les lieux munies de torches et d’eau fraîche.

En réalité, seule l’Amicale des Sapeurs-Pompiers organise tous les ans sur autorisation de la municipalité une buvette et un buffet dans la rue de l’Eglise, au départ du chemin de terre menant à la clairière. Il est possible d’y acquérir bâton et disques. Les sapeurs proposent également aux hôtes du vin chaud et des beignets artisanaux.

Enfin, dès l’après-midi, des démonstrations de fabrication de disques sont faites au Musée d’Arts et Traditions populaires du village. Les spectateurs pourront également se familiariser avec le Schieweschlawe avant de s’y adonner personnellement.

Bien évidemment, la municipalité procède à la sécurisation de la clairière afin que soient évités les risques d’incendie et d’accident.Le Schieweschlawe connaît tous les ans un vif succès. Les spectateurs viennent de toute la région pour y assister. Nombreuses sont les chaînes de télévisions et les radios qui viennent couvrir les festivités qui, parce qu’elles ont su rester authentiques à Offwiller, méritent d’être signalées.

  • Recommandations

Il est conseillé aux visiteurs de s’équiper de bonnes chaussures, de vieux vêtements (retombées de braises, fumées) et d’une lampe de poche pour accéder à la clairière.

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DNH #20 : La question de l’avoir (III) : Qui est Mammon ?

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L’argent n’a pas d’odeur, pourquoi conserverait-il une texture ? Aussi y a-t-il surtout le relevé bancaire et la petite carte de plastique, qui n’est pas l’argent lui-même, mais la possibilité d’entrer avec lui en communication mystique – petite carte contre laquelle le sauvage eût échangé beaucoup moins que contre un coquillage ou un beau dessin aux crayons de couleurs.

Telle est la curiosité de la chose, mais, on le sait, ce n’est pas la chose qui compte ici, c’est le signe – le signe plus que cabalistique. L’argent est d’abord une écriture, une reconnaissance de dette signée par l’État ou quelque Banque plus ou moins centrale. Or derrière une dette, toujours, se dissimule un acte fondamental qui, ici, cependant, n’ose pas s’avouer : l’acte de foi. La monnaie est fiduciaire. Elle repose sur la confiance faite au signataire de la dette qu’il aura le pouvoir de la solder. Mais avec quoi nous la soldera-t-il ? Une autre reconnaissance de dette ? Et comment se fait-il que cet argent qui n’est pas d’argent nous apparaisse comme tout le contraire d’un objet de foi – à savoir comme ce qu’il y a de plus évident, plus évident que la science elle-même, puisque c’est désormais la condition des recherches scientifiques ? Est-ce parce que tout le monde s’adonne à cette confiance sans réflexion, comme dans une hallucination collective ?

Source : DNH #20 : La question de l’avoir (III) : Qui est Mammon ?

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Lettre d’un Gaulois à son frère Indien

Dans une vidéo diffusée sur Youtube, un hindou nommé Rajesh assiste par curiosité au prêche public d’un espèce « d’évangéliste musulman », qui cherche à convaincre les Indiens qui l’écoutent d’abandonner leurs coutumes sacrées. Profitant du fait que les religions révélées soient considérées par le mondialisme comme supérieures aux religions traditionnelles, il pioche quelques versets dans leurs textes sacrés, et les interprète comme une annonce de la venue de son prophète à lui. Rajesh lui rétorque qu’il y a pourtant de nombreuses différences entre sa religion et l’Islam… et le prédicateur lui répond en accusant les sages de la tradition hindoue d’avoir travesti un prétendu « message originel » commun à toute l’Humanité. Que lui, bien sûr, en bon docteur coranique, dit connaître dans sa seule véritable version.

Face à ce triste spectacle, un Gaulois ayant renoué avec sa religion traditionnelle dédie à Rajesh cette lettre ouverte, pour lui expliquer cette arnaque qu’il connaît bien, le piège des Galiléens dans lequel ses ancêtres sont tombés.

Rajesh, mon ami Indien,

Moi aussi récemment, sur une foire d’une petite ville de province de France, un dimanche matin, foire bien animée comme sur cette vidéo, j’ai assisté pour m’amuser au spectacle d’un Docteur en « refourgage de marchandises bas de gamme », un bonimenteur comme il est d’usage de dire. Il faisait habilement l’article de sa marchandise « dernier cri / dernier prophète », et réussissait ainsi à vendre toutes sortes de camelotes que les gens se précipitaient d’acheter, oubliant au passage qu’ils avaient déjà la même chose à la maison – en bien mieux assurément. Ces derniers, à n’en pas douter, apprendront à leurs dépends que ça ne fonctionne pas, d’ici très peu de temps… si ça n’est pas déjà fait d’ailleurs.

C’est ce qui arrive quand on achète de la camelote bas de gamme, produite dans un pays à l’autre bout du monde. Ceux-là qui n’ont dépensé que quelques pièces en ouvrant leur porte monnaie, ils en sont quittes de pas grand-chose. Mais d’autres ouvrent leur cœur et donnent leur âme à des forains de Dieu sans scrupules. Il n’est jamais bon d’aller acheter du matériel censé être très haut de gamme sur un marché, une foire ou une place publique. Rajesh, je loue ton courage de fréquenter ce type de lieux. Mais sache que ton pandit, ton sage traditionnel, lui, ne fait pas la promotion du Brâhman ; et que le prince des ténèbres de la foire qui te fait face, lui, n’a toujours pas compris la différence entre une idole et un avatar. Ou peut-être fait-il semblant de ne pas le savoir. Comme il fait sans doute aussi semblant de ne pas savoir, ce grand savant colporteur, que le Sanatana dharma, la Loi éternelle des Brahmanes, est un monothéisme qui n’est polythéiste qu’en apparence, que l’on pourrait pourquoi pas qualifier d’hénothéisme.

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Rajesh, sache enfin qu’en terme de foi, d’amour, de religion, et même du reste d’ailleurs, ce n’est pas le dernier soi-disant prophète autoproclamé, le dernier qui a parlé et inventé une religion, qui a raison. Les Saptarishi, les sept voyants qui ont entendu les Védas des milliers d’années avant « JC. .» et bien avant l’arrivée du dernier trublion des déserts d’Arabie, n’ont pas cherché à avoir raison… Ils t’ont juste indiqué qu’il y a un son à l’origine de tout, d’où jaillit ensuite la lumière. Celle-là même nécessaire pour commencer à entrevoir une parcelle de la beauté du monde, de la vie.

Rajesh, à toi d’écouter vraiment, et ne pas fermer les yeux même si c’est plus facile. Faciliter les choses, c’est souvent couper, sectionner un sujet plus vaste et plus complexe. Méfie-toi, Rajesh : ceux qui sectionnent et coupent les idées complexes, sont ceux-là même qui sectionnent plus que les mots et les idées. Rajesh, il est plus que légitime que tu sois en recherche et que tu puisses te poser des milliards de questions. Sans doute y a t-il au plus profond de nous autant de question qu’il y a d’étoiles dans le cosmos. Sache que les sages sont là depuis des milliers d’années pour toi, pour moi, pour tous… et seront là bien après toi et moi, pour t’aider à entendre et y voir toujours plus clair. Mais prend garde, mon cher ami Indien, à ceux qui te fournissent La réponse et Une réponse unique, une bonne fois pour toute, à tes interrogations spirituelles. Sache qu’il te faudra, ainsi qu’à moi, plusieurs vies pour aller au-delà de la simple compréhension intelligible de ce seul monde où nous vivons tous les deux.

Mon ami Indien, continue de chercher et ne t’arrête pas devant le premier bonimenteur enturbanné, fut-il prince des clients spirituels dans les foires et les marchés de province de n’importe quels pays.

J’ai oublié de te dire, Rajesh un détail qui a son importance. Une fois achetée la camelote, le bonimenteur ne te la reprend jamais – ou alors c’est au prix de ta vie. « Apostat », c’est écrit en tout petit sur le contrat de son livre sacré des croyants soumis, et ça le prince de foires a malencontreusement oublié de te le dire…. A toi de voir, tant que tu peux encore goûter à la liberté, à la vie, à la possibilité de faire des choix et de pouvoir te poser des questions.

Amitiés,

Ton frère Celte.

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Le sexe par le bon bout. Parlez vous l’Hargot ?

 

Derrière le discours promouvant la fin de la norme se cache en fait un « conformisme affligeant ». « En passant d’un extrême à l’autre, on n’a seulement changé la perspective. » En réalité, la société véhicule toujours un rapport normatif à la sexualité : il faut jouir, il faut multiplier les expériences sexuelles, il faut se mettre en couple, il faut choisir son orientation sexuelle et l’afficher…

Au-delà de cette multitude d’injonctions angoissantes, le discours hygiéniste sur la sexualité, qui a succédé au discours moralisateur, s’avère être un échec cuisant. « Sortez couverts », nous a-t-on rabâché. Les « années sida » ont ainsi donné place à une conception uniquement technique de la sexualité, empreinte d’une culture du danger. Sauf que cela ne marche pas. La sexologue est bien placée pour le savoir. Cela ne suffit pas à des adolescents qui n’ont qu’une envie : transgresser les règles.

On a tout fait pour éviter les questions existentielles qui sont pourtant au cœur de la sexualité, relève-t-elle tout au long de son livre. La « mentalité du tout pilule », à laquelle Thérèse Hargot consacre un chapitre, en est la preuve. Cette  « nouvelle technologie » a neutralisé tout savoir sur le corps et la fécondité. Elle a finalement conduit à un contrôle de la sexualité féminine par l’industrie pharmaceutique. On a fait mieux en terme de libération de la femme.

Source : Le sexe par le bon bout. Parlez vous l’Hargot ?

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