Le mois de mai approche de la Gaule, et avec lui son cortège de festivités. La préparation de celles-ci, ainsi que la nature qui revit, se liguent pour tenir les coussinets du Chat Poron loin de son clavier. Ceci étant, ne serait-ce que par sens du devoir, pas question de ne pas donner ne serait-ce qu’une petite vue d’ensemble de ce qui se trame par chez nous.
Archives mensuelles : avril 2015
Barrages amazoniens : comment EDF et GDF Suez « étudient » les territoires indigènes avec l’appui de l’armée
Du Testet à l’Amazonie en passant par Notre-Dame-des-Landes, les populations locales résistent à la destruction de leur patrimoine écologique. La réponse des autorités coloniales est souvent la même : la répression violente. Les Munduruku ont ainsi assisté à la destruction de leur plus important site sacré, les chutes du Sete Quedas, pour permettre l’exploitation minière de leur territoire. Ce détour outre-Atlantique pose donc une bonne question : quid de la préservation de nos lieux sacrés ? Même si le processus a été plus progressif, le fait que les divins fleuves de Gaule (Sequana, Souconna, Matrona, …) soient pollués au point qu’il n’est plus possible d’en boire une gorgée ne relève t-il pas de la même problématique ?
Après Belo Monte, le bassin du rio Tapajós, l’un des principaux affluents de l’Amazone, est la nouvelle cible des constructeurs de grands barrages. Le gouvernement brésilien voudrait faire construire au moins quatre nouveaux grands barrages dans cette région préservée, à la biodiversité unique, et il a missionné un groupe d’entreprises – dont les françaises EDF et GDF Suez – pour réaliser les études d’impact environnemental. Pour prévenir toute velléité de rébellion chez les tribus de la zone, il leur a aussi donné l’appui de l’armée… Ou comment deux entreprises françaises se retrouvent au cœur du conflit de plus en plus tendu entre gouvernement brésilien et populations indigènes.
A quoi ça sert de continuer.
Honorer les animaux dans la tradition germano-scandinave
Note : ceci est un extrait d’un fascicule en cours de rédaction sur une manière de pratiquer au quotidien la tradition germano-scandinave. L’impératif est utilisé par soucis de concision.
Les dieux et déesses de la tradition germano-scandinave sont liés à divers animaux, que ce soit considéré sous un aspect purement symbolique ou plus « idolâtre ». Quand vous les croisez ou les mangez, prenez le temps de saluer la divinité en question.
Saluez aussi la Terre généreuse, source de toute vie, à chaque repas qu’elle vous offre.
Odin
Corbeaux : Hugin et Munin (« pensée » et « mémoire »), les deux corbeaux d’Odin, prennent leur envol chaque matin pour revenir au soir, porteurs de nouvelles. Loin d’être considérés comme maléfiques, ces oiseaux étaient tenus en haute estime par nos ancêtres, et toutes les recherches récentes confirment l’intelligence surprenante de ces oiseaux, capable de communiquer des informations complexes à leurs pairs (telles que « les humains habillés en rouge sont mal intentionnés »).
Saluez Odin quand vous croisez un corbeau ou une corneille.
Canidés : Odin a deux loups, Geki et Freki, auxquels il donne sa part de nourriture au festin de la Valhalla, se contentant de voire du vin. S’il est plutôt rare de croiser des loups, nos chiens domestiques se trouvent appartenir à la même espèce, Canis lupus.
Saluez Odin quand vous croisez un chien.
Thor
Caprins : Le chariot de Thor est tiré par deux boucs, Tanngrisnir (le montreur de dents) et Tanngjostr (le grinceur de dents). Ceux-ci peuvent être mangés, puis revenir à la vie une fois sanctifiés par son marteau, à condition que leurs os soient intacts. Un paysan chez qui il est invité à dîner ébrèche d’ailleurs avec son couteau le tibia d’un d’entre eux, qui boîte une fois ressuscité. Le jeune garçon devient alors le valet de Thor, en compensation.
On peut voir cela comme un symbole des troupeaux de moutons, qui permettent de nourrir année après année un clan possédant des terres inaptes à être cultivées mais assez arrosées par la pluie (que cause Mjöllnir, le marteau de Thor) pour servir de pâturage. Cependant, si ces terres sont « grattées jusqu’à l’os » par de trop grands troupeaux, elles s’appauvrissent et le clan perd son autonomie alimentaire, devenant le « valet » de ceux chez qui il doit se fournir à manger ou émigrer.
Saluez Thor au moment de manger de l’agneau, ou du fromage de chèvre, rendant hommage à l’animal qui vous fournit votre nourriture.
Freyr
Porcs : Freyr chevauche le sanglier Gullinbursti. Les cochons sont des animaux fouisseurs, entretenant un lien naturel avec la terre dont Freyr est gardien de la fertilité.
Saluez-le au moment de manger du porc, y compris en charcuterie, ou du sanglier. Saluez aussi Freyja, dont un des noms en vieux norrois est Syn, la Truie (capable d’allaiter des portées de dix petits).
Cervidés : Après avoir donné son épée pour séduire la Géante Gerdr, Freyr a pour seule arme des bois de cerf, qui lui serviront d’arme contre le Géant Surtr au Ragnarök.
Saluez Freyr au moment de manger du chevreuil ou du cerf, ou si vous les croisez dans la nature.
Freyja
Félins : Le char de Freyja est tiré par deux « chats » scandinaves, qui s’apparentaient davantage à des lynx. Bien plus que de paresseux animaux d’apparat ou des substituts affectifs, les félins avaient pour nos ancêtres un rôle vital, en chassant les rongeurs qui apportaient diverses maladies et emportaient les réserves de vivres dans un échange peu avantageux.
Saluez donc Freyja quand vous croisez un chat.
Rapaces : On dit que Freyja possède le pouvoir de se transformer en faucon, secret qu’elle peut enseigner à ceux qu’elle en juge dignes. Loin d’être uniquement des fins chasseurs, ces rapaces sont aussi fréquemment charognards, et en tant que tels servent de messagers aux divinités qui se partagent les morts au combat, Freyja étant celle qui choisit en premier.
Saluez-la quand vous croisez un faucon, un aigle, un hibou ou une chouette.
Heimdall
Ovins : Heimdall est associé au bélier. Un de ses noms, Gullintanni (Dents d’Or) pourrait aussi être lié au fait que les dents des béliers jaunissent avec l’âge.
Saluez-le quand vous mangez du mouton, ou que vous mangez du fromage de brebis.
Njordh
Produits de la mer : Njordh, seigneur de Noatun (« l’enclos des navires »), est le maître de la fertilité des mers, qui nourrissait souvent les populations côtières.
Saluez Njordh en entendant les mouettes, et au moment de manger ou pêcher du poisson, des crustacés, ou des coquillages. Pour les poissons d’eau douce, saluez plutôt l’esprit de la rivière.
Ostara
Lagomorphes : Bien que les associations traditionnelles du lièvre et du printemps puissent être plus récentes que l’Antiquité, c’est aujourd’hui une idée bien ancrée.
Saluez donc Ostara, déesse de l’aube et du printemps, au moment du manger du lapin ou du lièvre, ou lorsque vous en croisez un.
Sunna
Palmipèdes et volailles : Les associations entre l’astre solaire et les canards sont peu nombreuses chez les Germains, mais plus courantes chez d’autres peuples indo-européens. Le coq, quant à lui, et connu pour acclamer bruyamment le petit matin.
Saluez Sunna, déesse solaire, au moment de manger de la volaille, du canard (y compris son foie gras), ou des œufs. Faites-le également en croisant des cygnes, des canards colvert ou des poules d’eau.
Audhumla
Bovins : Les vaches ou les bœufs ne sont associés à aucune divinité particulière, Ase ou Vane. Cependant, ce sont des animaux tenus en haute estime par les peuples indo-européens, et dans notre tradition la vache cosmique Audhumla est le premier être vivant, qui nourrit Buri, grand-père d’Odin.
Saluez-donc Audhumla, la nourricière, le principe premier de la Vie, au moment de manger du bœuf, du veau, ou de consommer des produits laitiers, ainsi que lorsque vous croisez des vaches.
Tous les Ases et les Vanes
Équidés : La plupart des Ases ont un destrier comme monture ; et Freyr, le plus puissant des Vanes, est lié au culte de l’étalon comme symbole de fertilité. Nourrir un cheval était très coûteux, et il servait non seulement aux voyages (physiques comme chamaniques), mais aussi et surtout au combat. Le seul poème runique conservé sur la rune e (Ehwaz), le poème anglo-saxon, en parle comme étant le principal signe de la noblesse. C’était l’animal dont le sacrifice revêtait la plus haute valeur sacrée, d’où le tabou contre la consommation de viande de cheval mis en place par les missionnaires chrétiens.
Saluez de manière générale toute l’assemblée divine des Ases et des Vanes au moment de manger du cheval, ou lorsque vous en croisez un.
Tiré de « Jour après Nuit – vivre au quotidien dans la tradition germano-scandinave », un fascicule du clan Ostara à paraître cette année. Vous pouvez retrouver ici le fascicule Les Douze Nuits de Yule concernant les festivités du solstice d’hiver.
Hymnes à la Terre
En cette journée internationale de la Terre, un hymne dédié à celle-ci. Žemyna est la déesse balte de la Terre (žemė en lithuanien moderne). On lui versait de la bière au début de chaque grande fête, après avoir trinqué en son nom. Avant de semer, il était et est toujours coutume d’enterrer un pain, fait à partir de la récolte précédente, pour remercier la Terre de ses bienfaits
Il était également courant de s’allonger pour l’embrasser, ce qui évoque certaines pratiques grecques concernant les divinités souterraines. En fait, dans les traditions religieuses européennes, les seuls actes « d’abaissement » (s’agenouiller, se courber, …) ont pour sens d’honorer ce qui se trouve sous nous, pour s’en rapprocher. Les entités célestes n’ont nul besoin qu’on se diminue devant elles : par leur nature même, elles nous sont supérieures, et en nous adressant à elles il convient de les regarder, car le contraire serait impoli. C’est donc tout naturellement qu’on fixe leur idole dans les yeux, ou qu’on lève le visage vers la voûte céleste, bras écartés en signe de salut.
On peut trouver de nombreuses équivalentes à cette déesse-Terre chez les autres peuples indo-européens : Gaïa chez les Grecs, Prithvi (aussi nommée Bhumi), l’épouse de Dyaus Pitar, le Père Céleste des Hindous, … Voici donc d’autres exemples d’hymnes à la Terre divine. Pas de très net équivalent de la Terre personnifiée chez les Celtes, mais beaucoup de déesses y sont reliées ; et comme on dit on breton, re gozh an Douar evit ober goap anezhi (la Terre est trop vieille pour qu’on se moque d’elle).
En bonus, deux hymnes en grec, malheureusement sans mélodie conservée.
Hymne homérique à la Mère de Dieux
Chante-moi un hymne à la Mère
de tous les Dieux et de tous les hommes,
Muse harmonieuse, fille du grand Zeus !
Le son des krotales et des tympans lui plaît,
et le trépignement des pieds,
et le hurlement des loups,
et le rugissement des lions féroces ;
et les montagnes sonores lui plaisent,
de même que les gorges boisées.
Je te salue ainsi par mon chant,
Toi et toutes les Déesses.
Si cet hymne est très ancien et sans auteur connu, le second est plus récent, puisqu’il date de « seulement » seize siècles. Il a été écrit par Julien le Philosophe, dernier empereur romain païen.
Hymne à la Mère des Dieux (Julien le Philosophe)
Ô Mère des dieux et des hommes,
Toi qui partages le trône de Zeus
Et qui évalue chacune de ses décisions,
Ô source des dieux de l’esprit,
Qui poursuis ta course, inaltérable,
De même que nos alliés divins,
Toi qui reçois d’eux la vie
Et l’accorde toi-même aux dieux ;Ô déesse pourvoyeuse de vie,
Providentielle conseillère,
Et créatrice de nos âmes,
Ô toi qu’aime le grand Dionysos,
Qui sauvas de la mort le dieu Attis
Après qu’il ait été abandonné à la naissance
Et qui le ramena quand il descendit
Dans la caverne des nymphes.Ô toi qui donne tout ce qui est bon
Aux dieux de l’esprit,
Et qui remplis de toutes choses
Le monde que nous percevons,
Donne nous tout ce qui est bon !
Accorde à tous les hommes la joie,
Et la plus grande joie de toutes,
La connaissance des dieux.
« La fabrication traditionnelle du cidre à Saint-Pierre-de-Plesguen » (Haute-Bretagne)
http://www.mordusdelapomme.fr/spip.php?article76 : Un article très détaillé et fort intéressant un pan fondamental de la gastronomie bretonne. L’auteur ajoute force détails et anecdotes juteuses, sans compter les termes en gallo, la langue d’oïl locale du pays de Saint-Malo. L’accent est en particulier mis sur la relation profonde qui lie la terre, les variétés de pommiers, et le savoir-faire ancestral des paysans. Le cidre est donc considéré comme faisant partie du patrimoine de la ferme, qu’on se plaît à faire découvrir aux invités comme une marque d’hospitalité.
« Etude des liens entre suicide et révolution industrielle », par T. Isabel
Ce texte m’a semblé très pertinent par rapport à des questions que j’entends souvent, et qui tournent en gros autour de deux grands axes : 1) quel intérêt d’avoir une religion au XXIème siècle, surtout une religion traditionnelle (sous-entendu, par essence archaïque et inadaptée aux enjeux actuels) ?, et 2) en tant que païen/ne, quel intérêt d’avoir une pratique collective, d’appartenir à une communauté, alors que la pratique solitaire laisse tellement plus de « liberté » (sous-entendu, nécessite moins de sortir du cadre de l’individualisme occidental) ?
Après cette courte introduction, je laisse place à l’article, en précisant qu’aux Etats-Unis, le taux de suicide, de dépression, et d’addiction des « Spiritual But Not Religious » (c’est-à-dire des gens qui se définissent comme étant en recherche spirituelle mais n’appartenant à aucune communauté) est plus élevé que celui des croyants pratiquants mais même que celui des athées.
Végétalisme et tradition
Bien qu’il semble que la question de la viande et des produits animaux soit hélas devenue une « barricade à deux côtés », je vais commencer par devoir avouer que je suis à la fois un sinistre quasi-abstinent de bonne chair et, à l’occasion, un immonde assassin de gentils êtres vivants sensibles.
Le débat a déjà fait couler des cargos entiers d’encre numérique, il est donc impossible et peu utile de l’aborder sous tous ses aspects (l’existence ou non de la souffrance animale, la légitimité pour H. sapiens d’en décider et/ou de l’engendrer, etc). Je voudrais simplement présenter un tiers chemin un peu complexe, qui est davantage un sentier sinueux où il faut savoir éviter les branches épineuses et les flaques boueuses.
D’un point de vue très factuel, les points les plus importants sont ceux qui touchent aux problèmes écologiques et socio-économiques, les deux étant intimement liés. J’espère que je ne vous apprends rien en vous disant que près de 50% des apports protéiques du bétail français (y compris vaches laitières et oeufs, n’en déplaise aux végétariens-non-végétaliens) sont constitués de soja importé d’Outre-Atlantique, ce qui représente deux à trois millions de tonnes par an. Bien entendu, là-bas, les OGM et la grosse monoculture sont la norme, sans même parler de déforestation amazonienne ou de conditions de travail proches du servage au bas Moyen-Âge. Même d’un point de vue purement financier, à moyen terme cela représente une dépendance colossale à des importations qui mettent les éleveurs dans une situation périlleuse en cas de variation des cours.
Le cadre étant posé, on peut au passage légitimement se demander si la « tradition » qu’on évoque au moment de se manger un saucisson sec ou un steak est bien pertinente. Nos ancêtres mangeaient assez rarement de la viande, et leur cassoulet ou leur choucroute n’avait bien souvent que quelques morceaux de couenne comme seul apport animal. Le lait de vache, quant à lui, a été généralisé et promu comme aliment indispensable seulement dans l’après-guerre, pour écouler les surplus d’une production de plus en plus intensive qui commençait déjà à marcher sur la tête. Même chose pour le fameux yaourt, dont le Français moyen consomme 21 kilos par an, qui n’est devenu un produit de grande consommation qu’à partir des années 50, voire 60.
Donc, les anciens consommaient finalement assez peu de viande et de produits laitiers par rapport à nous (plutôt dans la fourchette des 15 à 30% d’apports caloriques d’origine animale, conformément aux recommandations de l’OMS, par rapport à une moyenne française actuelle de 55%). Certains objectent qu’ils le faisaient dès qu’ils en avaient les moyens. La vraie question étant : se seraient-ils précipités pour dévorer des bêtes dégénérées par une sélection intensive, transformés en machines à produire chroniquement malades et abattues à l’adolescence ? L’autonomie de leur maisonnée, de leur clan, de leur village, est un point fondamental pour toute communauté pérenne. Or, le modèle agricole actuel fait de l’élevage intensif un noeud coulant au cou de notre souveraineté alimentaire. Quant niveau écologique, cela revient à peu près à aller chier dans la citerne d’eau potable de nos descendants. Comment ceux-ci pourraient-ils pratiquer le culte des Ancêtres avec un tel héritage ?
Pour autant, certains arguments en faveur du végétalisme sont tout à fait biaisés. Le pâturage, et même la très controversée chasse au gros gibier, sont des pratiques favorables à la biodiversité et au bon fonctionnement des écosystèmes. Sans pâturage, les zones de prairies, riches en variétés rares d’arbustes, de fleurs, d’insectes, … tendent à se transformer en jeunes forêts semblables aux 12 millions d’hectares dont nous disposons déjà. Depuis l’extinction d’espèces comme les chevaux sauvages ou le bison d’Europe (sauf partiellement en Pologne), il est nécessaire que des espèces domestiquées prennent le relai, d’autant plus qu’elles permettent de produire des calories à partir de zones humides ou pentues difficilement cultivables (sauf si vous aimez l’herbe et les roseaux), ce qui en retour éviter d’avoir à défricher des forêts pour en faire des champs. En ce qui concerne la chasse, même problème, à cause de l’absence de grands prédateurs comme le loup ou l’ours, il est nécessaire de réguler la population de cervidés et surtout de sangliers, pour éviter la propagation de maladies et la destruction massive de jeunes arbres.

Deux alternatives au pâturage : ressusciter les aurochs de Lascaux, ou commencer à brouter dès demain matin
Évidemment, il faut pour cela que ces activités soient pratiquées convenablement, selon nos coutumes indigènes. Cela exclut donc d’office l’élevage industriel. Je vous entends déjà me dire que les produits animaux issus d’élevages bio, en plein air, de programmes de chasse contrôlée, … coûtent les yeux de la tête et qu’on ne peut pas facilement se le permettre. Eh bien, justement, vous comprenez donc pourquoi les anciens ne s’en gavaient pas quotidiennement. Réserver la viande pour les jours de fête, c’est renouer en profondeur avec nos traditions. C’est aussi redonner son vrai sens aux « sacrifices animaux » tant décriés par la bien-pensance Galiléenne : quand on abat moins d’un animal par an et par mini-famille moderne de quatre personnes, le minimum est de ritualiser un tant soit peu la chose et de l’intégrer dans le grand cycle de la vie. Cela permet au passage de prendre un peu de recul sa propre mortalité, tant mise au placard dans une société devenue incapable de gérer le deuil de manière adulte et responsable.
Finalement, c’est un peu le mot de la fin : responsabilité. Et dans l’affaire, il faut bien admettre, même en étant partisan du tiers chemin, que le végétalisme est une meilleure option que la consommation de produits animaux industriels (et en quantités industrielles), tout simplement car il faudrait encore beaucoup de nouveaux convertis pour équilibrer la balance. A tel point que ça vaudrait presque la peine d’endurer le préchi-précha moralisateur des plus fanatiques d’entre eux.
Le Retour de la Jacinthe des Bois

Angleterre, source : http://www.flickr.com/photos/adam_swaine/13780600725.jpg
Présenter des photos dans la section « arts » d’un blog consacré aux arts traditionnels peut sembler contradictoire. Pour autant, comme disait Jean Jaurès (d’ailleurs inhumé dans le Panthéon républicain), « la tradition, ce n’est pas conserver la cendre, c’est entretenir la flamme ». Les Amérindiens ont d’ailleurs eu ce type de débat… quand il se sont retrouvés face à des acheteurs étrangers à la recherche d’oeuvres « d’art traditionnel », sur lesquelles ils pourraient spéculer vue la demande croissante de la nouvelle bourgeoisie occidentale.
Pour eux, pas de débat à avoir. On peut tout naturellement exprimer une vision du monde traditionnelle par des moyens nouveaux : c’est d’ailleurs bien ce qui s’est produit avec l’avènement et le développement de la métallurgie. La « vision du monde » traditionnelle est ici assez explicite : nul besoin d’aller faire exploser son bilan carbone dans des destinations exotiques pour contempler les beautés de notre très généreuse Terre.
Toutes les images présentées ici proviennent du sud de l’Angleterre, d’Île-de-France, de Picardie, ou de Belgique. A part celles du bois de Hal en Belgique, qui est un lieu assez exceptionnel mais pas unique pour autant, si j’ai dû aller piocher aussi loin (encore que ces distances restent très raisonnables), c’est entres autres parce que les réseaux sociaux sont remplis de photos de voyages exotiques plutôt que d’aller chercher la beauté qui est sous nos yeux.
Comme abordé en commentaires sur un autre article, insister sur la splendeur de « nos » contrées ne constitue pas une fermeture à la superbe diversité des paysages de notre monde. Ce n’est pas non plus en revendiquer agressivement une propriété exclusive, et encore moins d’y sous-entendre une domination qui justifierait de l’exploiter selon notre bon plaisir. Ce qui définit qu’un endroit est « nôtre », c’est la profondeur de leur responsabilité que nous avons à son égard. La Jacinthe des Bois est ce qu’on appelle un bio-indicateur, c’est-à-dire qu’elle matérialise des parcelles forestières qui n’ont pas été exploitées de manière intensive depuis un certain temps. En cette lune d’Ostara, elle commence à revenir dans ses sous-bois. Puisse t-elle revenir fleurir toute l’Europe atlantique de ses clochettes violacées comme l’aube éternelle !
Quand bien même nous ne sommes pas propriétaires forestiers, les surfaces boisées publiques représentent en France 4 millions d’hectares. Beaucoup sont encore gérées d’une manière qui n’est pas favorable à la biodiversité, alors que, depuis les années 50, des méthodes de sylviculture ont été développées qui permettent de gérer les forêts de manière durable en favorisant le foisonnement de la vie. Le réseau ProSilva a même pu montrer, après des études de long terme, que la sylviculture irrégulière permet d’obtenir des résultats économiques similaires aux méthodes en coupe rase encore considérées aujourd’hui comme « plus rentables ».
N’oubliez pas non plus la quantité de papier et d’emballages cartonnés jetés chaque jour. La société de consommation, fondation du mode de vie occidental prétendument « moderne », nous dirige droit vers la catastrophe. Je ne vais pas m’étendre sur l’importance de limiter et de recycler ses déchets.
J’aimerais juste insister sur un point, parce qu’il m’est moi-même arrivé de l’oublier : prenez des sacs poubelles quand vous allez en forêt. Ça ne pèse rien, ça vous permettra de tout emporter avec vous, et même peut-être au passage de ramasser deux-trois saloperies qui traînent. Laisser nos lieux sacrés plus propres qu’on les a trouvés, même d’un peu, est un devoir pour tout Européen indigène. A une échelle au-delà, la même chose est valable pour notre Terre et le temps que nous passons à sa surface. Certes, c’est l’effort de toute une vie. Mais quel est le sens de poster des jolies photos printanières, sinon pour glorifier la Vie ?
Ôstarmânoth et blot à Tio
Pour le premier jour de la Lune d’Ôstara (Ôstarmânoth), le clan Liddel Franke des Enfants d’Yggdrasill s’est réuni dans la forêt sacrée qui se trouve sur ses terres, afin de placer ses actions à venir sous l’égide de Tio. A la fois sage et hardi, il est le plus courageux de nos Dieux, donc le plus apte à assurer le succès. Sous les bourgeons, les pervenches avaient étendu leur réseau violacé, marquant l’arrivée du printemps. Après des offrandes de gâteaux au Grand’arbre Fourchu qui domine le bois, et à la vieille Mère-Bouleau qui protège le lieu des banquets, nous avons dédié une corne de bière, infusée maison au genièvre et à l’aspérule selon l’ancienne coutume, aux Esprits des Lieux.
Un timide rayon de soleil a ensuite lui sur notre tardif pique-nique du midi. Vers la fin de celui-ci, une invitée (que nous n’avions pas pu récupérer à la gare à cause de son retard de deux heures) a appelé afin de demander quelques précisions supplémentaires sur l’itinéraire. En d’autres termes, elle était visiblement totalement perdue. S’ensuivit une trépidante aventure, impliquant des portables qui ne captent pas – oui, parce qu’il n’y a pas toujours de réseau en forêt, en tout cas pas celui que captent vos smartphones – et des olifants qui s’avérèrent être d’utiles substituts.
Pendant que nous allumions le feu, Baldric, un nouveau membre du clan, entreprit de poursuivre l’érection d’un haraho (cairn) au bord de l’étang sacré, en l’honneur des Esprits locaux, et plus particulièrement de la Fille de la Source. A l’intérieur, pour le consacrer, furent disposées diverses offrandes, enveloppées dans le voile des fumigations rituelles pendant que résonnaient la peau du tambour et des gorges. Après ceci, il fut entouré de pieux pour le désigner comme wîh (consacré), demeure inviolable des Esprits. Notre Ancienne Coutume est avant tout un ensemble de principes permettant de vivre en harmonie avec notre environnement ; et il nous importe que, sur nos terres, certains lieux appartiennent clairement à d’autres qu’aux humains.
Ensuite, tout en répétant les chants rituels du Sigiblot (le Blot pour la Victoire) en l’honneur de nos Divinités, nous avons confectionné une croix solaire pour porter le feu dans leur grand Wîh en haut de la colline. Deux massives branches furent attachées par des bandes de tissu enduites de cire fondue avant d’être mises à reposer contre un bouleau en attendant que vienne la lueur rougeoyante du crépuscule. Pendant ce temps, alors que les rayons dorés devaient de plus en plus obliques et que le brasier finissait de crépiter, on conta une nouvelle fois l’enchaînement du Feniwulf, le Grand Loup, par Tio qui y laissa sa main droite pour sauver le cosmos de sa voracité. Car, comme nous l’apprennent les poèmes runiques, Tio est l’Anse manchot, blessé par le loup, et celui qui règne sur les temples ; Tio est aussi une étoile, il garde bien la fidélité des nobles, sa course continue toujours au-dessus des brumes nocturnes car jamais il ne faiblit ; et le forgeron doit souvent souffler.
Enfin, alors que Sunna incendiait le ciel d’occident, son effigie terrestre s’embrasa, saluée par nos cris. Nos pas, rythmés par le tambour, portèrent au sommet la Clarté des Elfes pour la déposer dans le cercle de pierres runiques, sous le regard de Wuodan et de Thonar, gardiens du seuil, de Frouwa, déesse du foyer, et de tous les dieux et déesses du Wîh. L’énigmatique dernier vers du poème runique norvégien, sur lequel on peut longuement s’arracher les cheveux, prit soudain soudain un sens assez concret : à cause de l’humidité du bois, réussir à faire prendre durablement le feu sacré n’allait pas être de tout repos. A plat ventre dans la boue pour échapper à l’épaisse fumée, nous nous sommes relayés sans relâche pour maintenir à la force de nous poumons un flux d’air constant pour attiser les braises.
En cela, nous étions unis par notre fidélité à un but commun, guidés par la même étoile polaire qui règne sur les temples. L’idée d’abandonner et de retourner dîner en contrebas nous parcourut un instant comme le brouillard s’avance dans le soir, mais nous nous sommes remis à l’ouvrage en retroussant nos manches pour forger notre noble destin. Enfin, les flammes dansèrent dans le cercle runique, et nous autour de celui-ci. Pour célébrer la victoire, et en préparation de celles à venir, forts de cette leçon de bravoure, furent partagées entre les hommes et les dieux la sainte bière et le cidre caché au pied des arbres par le Renard de Pâques (oui, l’Osterfuchs est une tradition franque assez sympathique). Baldric, pour la première fois, menait la cérémonie, et j’ai une fois de plus été surpris de constater comme la pratique de nos coutumes nous poussent à nous dépasser pour accomplir ce dont on ne se serait pas cru capable quelques lunes plus tôt.

TIWAZ est une étoile qui garde bien la fidélité des nobles, sa course continue toujours au-dessus des brumes nocturnes car jamais il ne faiblit.
Un oracle runique à l’antique a aussi été demandé, concernant les actions à entreprendre pour favoriser la connaissance et la compréhension de nos traditions. Comme souvent, la réponse fut assez lapidaire : continuez votre course au-dessus des brumes nocturnes, et ne faiblissez point.
Heel Tio ! Merci pour ton courage qui nous montre la direction à suivre. Tu seras encore longtemps honoré, toi, nos autres Divinités, nos Ancêtres et les bienveillants Esprits de ces lieux.
Si vous souhaitez avoir plus d’informations sur les célébrations de la Walburganaht le 9 mai, rendez-vous ici : http://www.enfants-yggdrasill.fr ou ici : https://www.facebook.com/1tierschemin !
Des os et débats