Un certain nombre de néopaïens tiennent pour acquis que le « paganisme », contrairement au « monothéisme » rétrograde, aurait nécessairement tendance au Progrès, et que toute résistance à celui-ci serait nécessairement dû à un reliquat de morale judéo-chrétienne malvenue. Dans les faits, les religions traditionnelles – contrairement aux religions révélées à qui la vérité a été donnée une fois pour toute – ont effectivement parmi leurs caractéristiques celles de varier. Mais elles varient autant dans le temps que dans l’espace, et même dans un contexte spatio-temporel donné, selon les caractéristiques de chaque personne (appartenance à une famille, à un corps de métier, etc). De sorte que cela semble peu compatible avec l’idée d’un Progrès universel, transcendant les groupes ethniques et les classes sociales. Pire encore, les religions traditionnelles varient souvent plus qu’elles ne progressent. Les changements sont vécus comme des adaptations à des circonstances ou des événements particuliers, et n’ont pas vocation à s’inscrire dans une métaphysique de perfectionnement continuel jusqu’à une hypothétique « fin de l’Histoire » – et la notion de temps cyclique n’y est sans doute pas pour rien. Les religions révélées, et le christianisme en particulier, ont au contraire de fortes chances d’être à l’origine de l’idéologie du Progrès telle qu’elle s’est développée en Occident à partir du XVIIIe siècle. Je me permets de laisser la parole à M. de la Coste, auteur d’un ouvrage nommé « Apocalypse du Progrès », sorti cette année :
« Vouloir le progrès, toutes les formes possibles et imaginables de progrès (technique, scientifique, médical, social, économique, moral, politique, etc.), comme une amélioration, est, et demeure, le propre de l’homme.
Vouloir un progrès est aussi humain que vouloir le bonheur et aussi banal que souhaiter le souhaitable. L’homme, par définition, veut toujours une amélioration de sa condition (qu’il se trompe ou non sur celle-ci, c’est une autre affaire). Refuser un progrès serait proprement inhumain. Ce choix résulte du pur exercice de la liberté humaine.
Pour être clair, ce progrès-là, le progrès-volonté ou progrès-désir, sous toutes ses formes et dans chacune de ses déclinaisons, c’est le progrès qui s’écrit modestement sans majuscule, souvent au pluriel. Il survit, tant bien que mal, mais il survit.
En revanche, croire au Progrès, comme à une sorte de religion laïque, que l’on dit fille des Lumières et de la Science moderne, c’est une autre histoire. D’une certaine manière, cette croyance se présente d’abord comme la fusion de tous les progrès spécifiques en un Progrès unique. Il s’écrit, majestueusement, avec un « P » majuscule et toujours au singulier, comme chez Victor Hugo.
Qu’il soit mythe ou réalité, illusion ou phénomène, ou bien les deux à la fois, le Progrès se définit comme un mouvement positif, inéluctable, général et universel de l’Humanité toute entière. C’est le sujet de ce livre.
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