Ôstarmânoth et blot à Tio

Pour le premier jour de la Lune d’Ôstara (Ôstarmânoth), le clan Liddel Franke des Enfants d’Yggdrasill s’est réuni dans la forêt sacrée qui se trouve sur ses terres, afin de placer ses actions à venir sous l’égide de Tio. A la fois sage et hardi, il est le plus courageux de nos Dieux, donc le plus apte à assurer le succès. Sous les bourgeons, les pervenches avaient étendu leur réseau violacé, marquant l’arrivée du printemps. Après des offrandes de gâteaux au Grand’arbre Fourchu qui domine le bois, et à la vieille Mère-Bouleau qui protège le lieu des banquets, nous avons dédié une corne de bière, infusée maison au genièvre et à l’aspérule selon l’ancienne coutume, aux Esprits des Lieux.
Un timide rayon de soleil a ensuite lui sur notre tardif pique-nique du midi. Vers la fin de celui-ci, une invitée (que nous n’avions pas pu récupérer à la gare à cause de son retard de deux heures) a appelé afin de demander quelques précisions supplémentaires sur l’itinéraire. En d’autres termes, elle était visiblement totalement perdue. S’ensuivit une trépidante aventure, impliquant des portables qui ne captent pas – oui, parce qu’il n’y a pas toujours de réseau en forêt, en tout cas pas celui que captent vos smartphones – et des olifants qui s’avérèrent être d’utiles substituts.
Pendant que nous allumions le feu, Baldric, un nouveau membre du clan, entreprit de poursuivre l’érection d’un haraho (cairn) au bord de l’étang sacré, en l’honneur des Esprits locaux, et plus particulièrement de la Fille de la Source. A l’intérieur, pour le consacrer, furent disposées diverses offrandes, enveloppées dans le voile des fumigations rituelles pendant que résonnaient la peau du tambour et des gorges. Après ceci, il fut entouré de pieux pour le désigner comme wîh (consacré), demeure inviolable des Esprits. Notre Ancienne Coutume est avant tout un ensemble de principes permettant de vivre en harmonie avec notre environnement ; et il nous importe que, sur nos terres, certains lieux appartiennent clairement à d’autres qu’aux humains.

Haraho-Dîks : le cairn de l'étang

Haraho-Dîks : le cairn de l’étang

Ensuite, tout en répétant les chants rituels du Sigiblot (le Blot pour la Victoire) en l’honneur de nos Divinités, nous avons confectionné une croix solaire pour porter le feu dans leur grand Wîh en haut de la colline. Deux massives branches furent attachées par des bandes de tissu enduites de cire fondue avant d’être mises à reposer contre un bouleau en attendant que vienne la lueur rougeoyante du crépuscule. Pendant ce temps, alors que les rayons dorés devaient de plus en plus obliques et que le brasier finissait de crépiter, on conta une nouvelle fois l’enchaînement du Feniwulf, le Grand Loup, par Tio qui y laissa sa main droite pour sauver le cosmos de sa voracité. Car, comme nous l’apprennent les poèmes runiques, Tio est l’Anse manchot, blessé par le loup, et celui qui règne sur les temples ; Tio est aussi une étoile, il garde bien la fidélité des nobles, sa course continue toujours au-dessus des brumes nocturnes car jamais il ne faiblit ; et le forgeron doit souvent souffler.
Enfin, alors que Sunna incendiait le ciel d’occident, son effigie terrestre s’embrasa, saluée par nos cris. Nos pas, rythmés par le tambour, portèrent au sommet la Clarté des Elfes pour la déposer dans le cercle de pierres runiques, sous le regard de Wuodan et de Thonar, gardiens du seuil, de Frouwa, déesse du foyer, et de tous les dieux et déesses du Wîh. L’énigmatique dernier vers du poème runique norvégien, sur lequel on peut longuement s’arracher les cheveux, prit soudain soudain un sens assez concret : à cause de l’humidité du bois, réussir à faire prendre durablement le feu sacré n’allait pas être de tout repos. A plat ventre dans la boue pour échapper à l’épaisse fumée, nous nous sommes relayés sans relâche pour maintenir à la force de nous poumons un flux d’air constant pour attiser les braises.
En cela, nous étions unis par notre fidélité à un but commun, guidés par la même étoile polaire qui règne sur les temples. L’idée d’abandonner et de retourner dîner en contrebas nous parcourut un instant comme le brouillard s’avance dans le soir, mais nous nous sommes remis à l’ouvrage en retroussant nos manches pour forger notre noble destin. Enfin, les flammes dansèrent dans le cercle runique, et nous autour de celui-ci. Pour célébrer la victoire, et en préparation de celles à venir, forts de cette leçon de bravoure, furent partagées entre les hommes et les dieux la sainte bière et le cidre caché au pied des arbres par le Renard de Pâques (oui, l’Osterfuchs est une tradition franque assez sympathique). Baldric, pour la première fois, menait la cérémonie, et j’ai une fois de plus été surpris de constater comme la pratique de nos coutumes nous poussent à nous dépasser pour accomplir ce dont on ne se serait pas cru capable quelques lunes plus tôt.

TIWAZ

TIWAZ est une étoile qui garde bien la fidélité des nobles, sa course continue toujours au-dessus des brumes nocturnes car jamais il ne faiblit.

Un oracle runique à l’antique a aussi été demandé, concernant les actions à entreprendre pour favoriser la connaissance et la compréhension de nos traditions. Comme souvent, la réponse fut assez lapidaire : continuez votre course au-dessus des brumes nocturnes, et ne faiblissez point.
Heel Tio ! Merci pour ton courage qui nous montre la direction à suivre. Tu seras encore longtemps honoré, toi, nos autres Divinités, nos Ancêtres et les bienveillants Esprits de ces lieux.
Si vous souhaitez avoir plus d’informations sur les célébrations de la Walburganaht le 9 mai, rendez-vous ici : http://www.enfants-yggdrasill.fr ou ici : https://www.facebook.com/1tierschemin !

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5 réflexions sur “Ôstarmânoth et blot à Tio

  1. Très beau, le cairn. J’apprécie ce genre de constructions et leur connotation mystique quand je me promène dans les bois.

    Tu parles à deux reprises de « vos » terres, selon quel droit ?

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  2. Disons que c’est à la fois dans le sens global de « zone géographique » où nous habitons/célébrons (l’Île-de-France) et dans le sens plus restreint du droit d’usage (le bois où nous nous réunissons régulièrement et que nous aménageons). D’un point de vue légal, la propriétaire de la parcelle pratique nos traditions et nous prête le terrain avec mandat d’y célébrer l’Ancienne Coutume.

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    • Merci pour la réponse, j’apprécie pour ma part (attention, masturbation intellectuelle) de me passer de ces termes-là, préférant parler de la terre que l’on foule comme s’il s’agissait d’un emprunt, et aussi parce que l’on cohabite avec d’autres espèces. D’un autre côté parler de sa terre (sans que ce soit individuel, ça peut être « nôtre » avec tous ceux qui vivent dessus et j’imagine bien que c’est ce que tu veux dire ici) est intéressant malgré sa connotation presque guerrière dans le cas d’un envahisseur qui viendrait l’exploiter sans le moindre respect.

      Et au fond cela n’a aucune importance du moment qu’il y a cette notion de respect, que ce soit pour ceux qui l’habitent, ceux qui la visitent (qui peuvent en plus être accueillis comme il se doit sur la terre des autres – sous entendu, ceux qui y sont sédentaires).

      De plus j’aime à me dire (masturbation intellectuelle ++) que ces différentes de façons de dire les choses apportent de la richesse et permettent d’en discuter, d’être curieux des coutumes des autres. Quelqu’un qui jugerait de manière négative cela sans essayer de comprendre y verrait une différence sujette au conflit, alors qu’en en discutant de manière approfondie, on y verra au final au contraire des points de convergence et de quoi nouer des liens par l’enrichissement mutuel.

      Votre cérémonie avait l’air assez épique (en plus j’écoute du Basil Poledouris), tu la décris très bien. Je prendrai le temps un jour de vous visiter avec ma compagne pour m’immerger dans vos coutumes et pour mieux les comprendre, et ce que ça offre comme perspectives d’échanges est vraiment excitant. J’aimerais en savoir plus aussi sur les coutumes de ceux qui peuplaient la terre que je vais habiter et qui n’est pas celle de mes ancêtres, j’ai déjà repéré quelques livres qui pourraient m’éclairer. Je ne me vois pas les embrasser comme si c’était naturellement les miennes, parce que ce n’est pas le cas, je pense que ma façon de vivre et mes projets me pousseront plutôt à créer les miennes naturellement, portées sur l’hommage au vivant et à la beauté.

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  3. En-dehors du point de vue légal (qui est hélas ce qui est pour le moment), l’article possessif pour « notre terre » est plutôt du même ordre que quand on dit « notre mère » : ce n’est pas de l’ordre de la possession exclusive, mais plutôt une expression de liens particuliers qui nous unissent. Disons que c’est une relation de dépendance mutuelle avec les responsabilités que ça implique. Et contrairement à notre planète, ou même à notre région, c’est nous qui sommes les premiers garants de la santé et de la pérennité du bois sacré. Ça ne nous dispense pas d’agir à un niveau plus global, mais par ordre de priorité il faut d’abord faire ce boulot-là, et y manquer serait gravement déshonorant.

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  4. Héhé, je serai moins gêné en écrivant « ma compagne » maintenant ! C’est logique en fait. Les subtilités du langage, j’adore !

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