« Que veux-tu savoir, mon enfant, avant d’aller dormir ?
– Tadig, pourquoi est-ce que notre pays s’appelle Breizh ?
– Il y a très longtemps, sur la vaste terre de Ledav, entourée par l’eau salée du Meurvor, la grande mer, vivaient de nombreux humains. Ils étaient nommés selon la langue qu’ils parlaient. Au nord, dans les terres froides, les Germaned. Au sud, dans les terres chaudes, les Romaned. A l’ouest, près des rives du Meurvor, les Kelted. Trois frères étaient leurs rois : Gall, Gouezel, et Bruzh. Gall était l’aîné, il possédait tant de terres et de richesses que le pays des Kelted prit son nom, et fut nommé Bro C’hall. Ses deux frères, Gouezel et Bruzh, décidèrent donc de partir chacun à la recherche de nouvelles terres. Bruzh prit la mer avec ses hommes et ses trois fils : Loagren, Kember, et Albanaezh.
Au Kalan Hañv, le premier jour de l’été, ils arrivèrent en vue d’Enez Wenn, l’île blanche, qui porte ce nom à cause de ses falaises blanches battues par les flots. Sur Enez Wenn vivaient les Tud Don, le peuple de la déesse Don, venu des quatre îles au nord du monde, et maîtrisant la magie druidique. Les Tud Don firent d’abord bon accueil à Bruzh, mais lorsqu’ils comprirent qu’il voulait gouverner l’île, ils le tuèrent. Devant la fureur de ses hommes, pour éviter une guerre meurtrière, ils proposèrent un pacte à ses trois fils : chacun aurait une part de la surface de l’île, tandis que les Tud Don se retireraient dans les sezioù, des mondes à part où le temps s’écoule autrement. Ils sont situés au-delà de la mer, sous les lacs, et aux endroits où se dressent des pierres magiques.

(C) Simon Wakefield
Enez Wenn fut donc renommée Breizh, en l’honneur de Bruzh, et ses habitants devinrent les Breizhiz. Loagren reçut le royaume de Loagre, le plus vaste ; Kember reçut le royaume des collines de Kembre à l’ouest ; et Albanaezh reçut le royaume d’Alba au nord. Un fidèle ami de Bruzh, Kerene, reçut en récompense le pays de Kernev, au sud-ouest du royaume de Loagre. Toutefois, les humains dûrent s’engager à ne pas perturber les sezioù, et à se rappeler tout au long de l’année du pacte qui venait d’être conclu. Pour cela, les Tud Don emmenèrent certains humains sur la petite île d’Enez Mon, non loin des côtes de Kembre, et leur enseignèrent l’art magique du druidisme, pour qu’ils apprennent à célébrer les sperednozioù, les grandes fêtes sacrées. Elles sont au nombre de quatre : Kalan Goañv, qui marque le début de l’hiver ; Kalan C’hwevrer, qui marque le milieu de l’hiver ; Kalan Hañv, qui marque le début de l’été ; et Kalan Eost, qui marque le milieu de l’été. Cet art du druidisme, les Breizhiz le partagèrent avec les sujets de Gall restés sur le continent, et avec ceux de Gouezel. Grâce à cela, Gouezel prit la mer avec ses hommes, et arriva avec ses navires sur Enez C’hlas, l’île verte. Il en prit possession, la nomma Iwerzhon, et fit célébrer par ses druides les quatre sperednozioù, qui prirent là-bas le nom de Samhain, Imbolc, Beltaine, et Lughnasad.
Les années passèrent, et les siècles passèrent eux aussi. Le peuple des Romaned arriva du sud de Ledav, dirigé par l’ambitieux général Kaesar, et soumit par les armes les différents peuples gouvernés par les enfants de Gall. La cité de Kêr Wened en Arvorig, non loin de Breizh, avait des liens d’amitié avec les habitants de Kembre. Quand Kaesar s’empara de l’Arvorig, des Gwenediz s’enfuirent en Kembre, et y fondèrent le royaume de Gwened. Mais Kaesar se lança ensuite à la conquête de Breizh, et ses légions s’emparèrent du royaume de Loagre, puis de Kerne et de Kembre. De nombreux druides furent massacrés sur l’île sacrée d’Enez Mon.
Rapidement, pour éviter les révoltes incessantes, les Romaned prirent le parti de donner la citoyenneté de leur empire aux chefs des Breizhiz, puis à tous les guerriers qui s’engageraient dans leurs armées, les légions. Ils manquaient en effet d’hommes pour se protéger des habitants du royaume d’Alba au nord, des pirates de l’île d’Iwerzhon à l’ouest, et des Germaned en Lidav, qui menaçaient les frontières du Bro C’hall. Des Breizhiz revinrent sur le continent, en Arvorig, pour la défendre les côtes des pirates qui menaçaient ses côtes. Menés par un chef du nom de Konan Meriadeg, les Breizhiz se rendirent maîtres de la région d’Arvorig et bientôt devinrent si nombreux qu’on nomma cette terre Breizh Vihan, la Petite Bretagne, et l’île de Breizh fut appelée Breizh Veur, la Grande Bretagne.
Plusieurs royaumes furent fondés en Breizh Vihan. Au nord-ouest, le Bro Leon, ainsi nommé parce que c’est là que se trouvaient les légions, ce pays fut placé sous la protection du Lion du Leon, al Leo Leon. Au nord-est, le Bro Devnon, ainsi nommé parce que ses habitants venaient du royaume de Devnon aux sombres vallées, en Breizh Veur ; plus tard, trois armées s’y affrontèrent, et il fut renommé Treger, pays des trois armées : ce pays fut placé sous la protection du Dragon du Treger, an Drag Bro Dreger. Au sud-est, le Bro Wened, ainsi nommé parce que la cité de Kêr Wened s’y trouvait depuis longtemps : ce pays fut placé sous la protection de l’Hermine Blanche de Gwened, an Gaerell-Wenn Bro Wened. Enfin, au sud-ouest, le Bro Gernev, ainsi nommé parce que ses habitants venaient du royaume de Kernev de l’autre côté de la mer, qui était comme une corne de Breizh Veur : ce pays fut placé sur la protection du Bélier Cornu de Kernev, ar Maout Kornek Kernev. Tels étaient les quatre royaumes de Breizh Vihan, et tels sont les quatre animaux qui les protègent aujourd’hui encore.
Un jour, des pirates venus du pays des Germaned traversèrent la mer et envahirent Breizh Veur. Ils se nommaient les Saozon. Un dénommé Arzhur devint roi de tous les Breizhiz et mena contre eux de durs combats, armé de l’épée Kaledvoulc’h, la dure entaille, qu’il avait tirée d’un rocher. Mais il fut mortellement blessé par traîtrise, et emmené sur Enez Aval, l’île des pommes, d’où il reviendra un jour sur son cheval rouge, lorsque son peuple en aura le plus besoin. Les Breizhiz se replièrent vers le nord dans le pays du Gwalez Hen, le Vieux Nord, dans l’ouest en Kembre, et dans le sud-ouest en Kernev. Le royaume de Loagre reçut comme nouveau nom celui de Bro Saoz, le pays des Saozon.
En Ledav, les peuples frères des Saozon devenaient de plus en plus nombreux et audacieux. Ils s’emparèrent alors des terres des Romaned, puis de leur ville elle-même. Le roi du peuple des Franked, C’hlodwig, devint maître de tout le Bro C’hall, parce que ses habitants avaient oublié le druidisme quand ils avaient échangé la langue des Kelted pour celle des Romaned. Les Breizhiz ne voulurent pas se soumettre, et gardèrent les terres entre l’endroit où fleuve Kouenon se jette dans la mer au nord, et l’endroit où se jette le fleuve Gwilen au sud. A maint reprises, les rois des Franked tentèrent de conquérir Breizh, profitant des rivalités entre les petits royaumes. Mais un noble du Bro Wened, Nevenoe, finit par unir définitivement les forces des Breizhiz, et s’empara de toute l’Arvorig, avec les villes de Naoned et de Roazhon. Il est depuis nommé Tad ar Vro, père de la patrie, et son fils Erispoe fut couronné roi des Breizhiz.

« Nevenoe », par Jeanne Malivel
C’est ainsi, mon enfant, que Breizh est devenu un autre pays que celui des Franked, que la terre d’Arvorig reçut ce nom à cause de ses nouveaux habitants venus de Breizh Veur, et que cette île passa sous la domination des Saozon. C’est aussi comme cela que les Breizhiz apprirent des Tud Don l’art du druidisme, venu des îles du nord du monde.
– Et pourquoi on a plus de roi en Breizh, alors ?
– Ce sera l’histoire de demain. Dors, maintenant, mon enfant ! »
Super quels sont tes sources ?
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Essentiellement le Labor Gabala Eireann (Livre des Invasions de l’Irlande) avec les noms gaéliques traduits en breton moderne, et l’Historia Brittonum (Histoire des Bretons) avec les noms en vieux gallois latinisé traduits en breton moderne.
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